Nos élus ont la mémoire courte

Le rapprochement de quelques articles de presse parus depuis quinze ans donne un éclairage assez éloquent sur l’attitude de la classe politique parisienne face à la problématique des Halles. "Le Forum des Halles sur la voie de la privatisation" rend compte du projet de la municipalité d'alors, conduite par Jean Tibéri, de vendre le Forum des Halles à Unibail. Rappelons que le Forum des Halles appartenait à la Ville de Paris et qu'Unibail avait un bail qui s'achevait en 2055. A cette époque, l'opposition socialiste dénonce ce projet et affirme que ce lieu est un "espace structurant le centre de Paris". Elle conteste l'accord qu’a donné le préfet pour déclasser du domaine public les rues souterraines du Forum des Halles. L'adjoint aux finances du maire de Paris de l'époque, Jean-François Legaret, déclare alors qu’"il n'est pas dans la vocation de la Ville de gérer un patrimoine de cette nature. Nous voulons sortir de ce montage assez compliqué qui date un peu. De plus, c'est un actif dont nous n'avions pas grand usage."
Dix ans plus tard, le 29 octobre 2010, Anne Hidalgo, devenue première adjointe au maire de Paris chargée de l'urbanisme, déclare à son tour dans une interview au Journal du Dimanche que "la politique municipale depuis 2001 a consisté à céder les actifs qui ne présentent pas d'utilité particulière pour la Ville. C'est le cas du Forum des Halles, qui restera toujours un centre commercial. La mairie n'a pas vocation à être propriétaire de tout le foncier de la commune. Elle possède les voiries, les équipements publics, les logements sociaux. Quel est l'intérêt pour les Parisiens d'être propriétaire d'un centre commercial?" Quasiment les mêmes propos que Jean-François Legaret quelques années plus tôt ! Ce qui était anathème en 2000 est devenu dogme en 2010.
Quant à Jean-François Legaret, maintenant dans l'opposition municipale, il est désormais contre la vente des Halles à Unibail. Dans le Journal du Dimanche du 5 novembre 2010, il juge cette transaction "douteuse" et estime qu'elle "ne peut qu'accréditer les suspicions de générosité indue à l'égard des intérêts commerciaux présents".
Cela n’empêchera pas Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo de procéder à la vente du Forum des Halles en 2011, à un prix nécessairement bradé car chacun sait qu’on ne peut pas vendre très cher des locaux qui sont loués pour encore quarante ans. Certes, la mairie de Paris a respecté l’indication de prix fournie par les Domaines, mais aucune comparaison n’a été faite avec le prix que la Ville de Paris aurait pu tirer de cette vente si celle-ci avait eu lieu en 2055, à la fin du bail, à un moment où il était possible de faire jouer la concurrence.
Non seulement la Mairie de Paris a vendu les locaux commerciaux du Forum des Halles mais, obligée de céder à toutes les exigences d’Unibail, qui menaçait de ne pas donner son accord pour le permis de construire de la Canopée, elle a envisagé de lui céder également les voies publiques du centre commercial, comme le montrent ces documents que s'est procurés Accomplir. Une fois cette vente effectuée, là encore à prix d’ami, la Ville aurait dû payer chaque année un « droit de passage » pour que les Parisiens puissent continuer à emprunter ces rues pour se rendre à la gare du RER ou à la piscine ! Notre association a attaqué ce projet de vente des rues souterraines et déposé un recours au Tribunal Administratif, faisant ainsi capoter cette opération et, par voie de conséquence, faisant économiser de coquettes sommes aux contribuables parisiens.
Heureusement qu'internet est là pour nous rafraîchir la mémoire et que les associations, telles Accomplir, veillent à l'intérêt général.

Le Quartier des Halles à l'abandon?

Pourquoi le quartier des Halles est-il aussi peu entretenu? Dès qu'une boutique ferme, sa devanture est immédiatement couverte d'affiches. Dès qu'un bout de mur est disponible, il est couvert de tags.

Vitrine de l'ex magasin Kookai, rue Saint-Denis

Bout de mur rue Saint-Denis

ex Pizza Enio, rue Saint-Denis

ex Pizza Enio, rue Saint-Denis

ex Beyrouth Café, rue de la Ferronnerie

ex Beyrouth Café, rue de la Ferronnerie

ex Beyrouth Café, rue des Innocents

immmeuble appartenant à la Ville et à l'abandon depuis des années à l'angle de la rue Saint-Honoré et de la rue des Bourdonnais

angle rue Montdétour - rue Rambuteau

angle rue Montdétour - rue Rambuteau

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Canopée : une inauguration au goût amer

(mise à jour du 5 avril) La Canopée des Halles a été inaugurée en petit comité. Des invités venus pour l’occasion, et qui ne reviendront pas souvent, vont se pâmer entre deux petits fours, impressionnés par le bâtiment. Accomplir ne partage ni cet enthousiasme, ni le champagne car pour nous, la Canopée est une suite de déceptions.

Le résultat de 2016 n’a pas grand chose à voir avec les esquisses qui avaient remporté les suffrages du jury (*) en 2007 : la feuille légère, ondoyante et translucide est devenue un toit culminant à 17 mètres, reposant sur 7000 tonnes de métal, quasi-opaque. D’après nos observations, un éclairage artificiel est allumé sous la structure toute la journée ! L’entretien, outre son coût démentiel, promet d’être compliqué, alors que les pigeons ont déjà élu domicile sur les ventelles".

Architectes et ingénieurs se sont fait plaisir, les perdants étant comme toujours les usagers. Nous avons de sérieux doutes sur le fonctionnement futur de cette Canopée et de ses équipements. Les premiers constats ? Des salles de répétition du Conservatoire trop exigües, l’absence regrettable d’auditorium, la faible lumière naturelle dans les locaux… L’impression générale est que les matériaux et les finitions sont « cheap » et résisteront mal au temps et à la forte fréquentation.

Enfin, comment se réjouir d’une « inauguration » quand elle arrive après six années et surtout 100 nuits de travaux, et qu’il reste encore plus de deux ans de chantier ? La gare RER et son indispensable mise en sécurité, le jardin (dont la moitié déjà livrée cumule erreurs de conception et réalisation bâclée), ainsi que la rénovation du quartier piéton sont loin d’être achevés. Pour ce dernier, c’est un comble, il faudra se contenter d’un rafistolage a minima, le dépassement de budget de la Canopée empêche par exemple de mettre en place des solutions innovantes pour le contrôle d’accès des véhicules dans la zone piétonne.

Pour les usagers quotidiens du site, notons toutefois quelques points positifs, comme les nouveaux accès directs à l’espace RATP. Mais pour le vrai bilan de cette opération à 1 milliard d’euros, dont la Canopée n’est qu’une étape, rendez-vous à la fin du projet. Pas sûr que l’ambiance sera à la fête.

(*) dont un représentant d’Accomplir faisait partie

Canopée : une inauguration au goût amer (version pdf)

Inauguration de la Canopée : galerie de photos

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David Mangin bien seul