Compte rendu d'un entretien à

la Direction de l'Urbanisme de la Ville de Paris

sur le projet de rénovation des Halles

01/11/03

 

 

Nous avons été reçus par Catherine Barbé (Directrice de l'Urbanisme à la Ville de Paris), Denis Caillet (architecte voyer général chargé de la Sous-Direction des Etudes et des Règlements d'urbanisme - SDER) et Anne Calves (architecte voyer en chef, chef de projet quartiers centraux – SDER), pour un entretien de deux heures. ACCOMPLIR était représenté par Barbara Blot (membre du bureau), Elisabeth Bourguinat (secrétaire), Régis Clergue-Duval, et Gilles Pourbaix (vice-président). Le présent compte rendu a été relu et validé par nos trois interlocuteurs.

 

Dans l'attente de la publication du programme de la 2ème phase de la mission d'étude, prévue pour la mi-novembre, cette réunion nous a surtout permis d'en apprendre davantage sur le fonctionnement et le déroulement de ce type de projet d'urbanisme, même si nous avons également glané quelques informations sur les orientations prévisibles du programme.

 

Interférences avec le PLU

 

Le projet de rénovation des Halles intervient en pleine révision du Plan Local d'Urbanisme de la Ville de Paris (PLU), qui fait lui-même l'objet d'un long processus de concertation. 3.500 propositions émanant notamment des mairies d'arrondissement, des associations et des conseils de quartier ont été recueillies ; elles ont actuellement étudiées et feront l'objet de réponses lors des réunions publiques qui se tiendront dans chaque mairie d'arrondissement. L'avancement du PLU fera également l'objet d'une exposition qui se tiendra du 5 janvier au 28 février dans les 20 mairies.

 

Dans cette phase d'étude des propositions, la concertation se fait avec quelques grandes associations (SOS Paris, Paris Banlieue Environnement, Ecologie pour Paris, Paris historique, Plate-forme des comités parisiens d'habitants…), qui participent à la définition des grandes orientations du futur PLU.

 

La ZAC des Halles

 

La ZAC des Halles, qui avait été créée pour permettre les travaux réalisés il y a vingt cinq ans, n'a toujours pas été clôturée. Le dispositif des ZAC (Zone d'Aménagement Concerté) a été créé par la loi d'orientation foncière de 1967 pour permettre dans le cas de grands projets d'urbanisme, la réalisation de programmes souvent dérogatoires notamment en matière de densité par rapport aux règles usuelles du POS (Plan d'Occupation des Sols) ; ce caractère dérogatoire a été supprimé par la loi SRU (Solidarité, Renouvellement Urbain). En revanche, les autres caractéristiques des ZAC ont été conservées, comme par exemple des règles fiscales spécifiques, et un affranchissement par rapport à certaines règles concernant les lotissements.

 

Par rapport à ces règles, la loi SRU a apporté des garanties sur l'obligation de mener le projet à bien, sur le respect des délibérations du conseil municipal concernant la création de mètres carrés pour chaque destination (logements, bureaux, commerces, équipements, jardins, voirie souterraine…), sur le respect de la liste d'équipements prévue, et sur le comblement du déficit de l'opération le cas échéant.

En général, les opérations immobilières doivent respecter le COS (Coefficient d'Occupation des Sols), qui prévoit, par exemple si le COS est fixé à 3, qu'un terrain de 100m² ne pourra accueillir plus de 300 m² de planchers. A l'intérieur d'une ZAC, le COS ne s'applique pas, car le cahier des charges permet de garantir la maîtrise de la densité et de la mixité des destinations. Dans le quartier des Halles, le COS « existant » est déjà supérieur au COS « normal » ; l'orientation qui se dessine est de respecter le COS existant, c'est-à-dire de ne pas aller au-delà de cette densité.

 

Dans le projet des Halles, même si le périmètre d'intervention a été défini par un grand quadrilatère (rue de Rivoli, Bd de Sébastopol, rue Etienne Marcel, rue du Louvre), il faut distinguer le périmètre d'intervention proprement dit (jardin, pavillons Willerval, Forum, voiries, et éventuellement l'îlot Berger), où des règles spécifiques pourront être appliquées ; et le périmètre environnant, où s'appliqueront les règles communes à l'ensemble du territoire parisien. Par exemple, pour les immeubles situés autour de la Bourse du Commerce, de la place des Innocents ou dans la rue Saint-Denis, ce seront les règles du PLU général qui s'appliqueront.

 

L'ancienne ZAC des Halles va devoir être clôturée afin qu'une nouvelle ZAC puisse être créée, ce qui suppose au préalable de mettre en ordre un certain nombre de dossiers qui sont restés en souffrance, notamment sur les responsabilités, en termes d'entretien et de maintenance, des différents opérateurs du Forum.

 

Extension du périmètre d'intervention ?

 

Le fait que certaines équipes aient parlé d'inscrire le quartier dans une « trame verte » qui irait du bois de Boulogne au bois de Vincennes en passant par d'autres biotopes plus proches signifie-t-il que le périmètre d'intervention du projet pourrait être significativement étendu ? Pour Denis Caillet, cette trame verte doit s'interpréter comme un « idéal », qui a d'ailleurs été formulé depuis longtemps, sur lequel les différents projets d'urbanisme peuvent se greffer pour qu'il devienne un jour réalité. Mais Catherine Barbé confirme qu'il n'est pas envisagé d'étendre le périmètre d'intervention.

 

Des tours à Paris ?

 

Un débat sur « le retour des tours à Paris » a été lancé par des architectes mais aussi par Bertrand Delanoë et son adjoint à l'urbanisme Jean-Pierre Caffet. En tout état de cause, si le Maire de Paris décide d'autoriser la construction d'immeubles dépassant la hauteur de 25 mètres actuellement réglementaire au cœur de Paris et de 31 m en périphérie parisienne, ce sera très probablement uniquement sur certains territoires de la couronne de Paris (notamment dans les zones de Paris Nord-Est et des Batignolles) : il n'est pas question à ce jour de construire des tours au centre de la ville.

 

Du nouveau du côté des enseignes, des étalages et des terrasses

 

Le service des enseignes et des étalages, rattaché auparavant à la direction des Finances, vient de rejoindre la Direction de l'Urbanisme, ce qui paraît plus logique et permettra une plus grande efficacité.

 

Incessamment va commencer la révision du plan de la publicité et des enseignes, qui va permettre de changer certaines règles ; nous sommes sollicités pour nous exprimer sur ce sujet, par exemple à propos des enseignes dans le quartier Saint-Denis : qu'est-ce qui nous paraît gênant ? qu'est-ce qui nous paraît acceptable ? Gilles Pourbaix signale que le Conseil de Quartier des Halles a déjà fait plusieurs visites du quartier et qu'il serait possible d'exploiter ses observations.

 

Mais si l'on veut imposer aux commerçants de respecter dorénavant les règles concernant les enseignes, les étalages et les terrasses, compte tenu de l'importance des dérives qui ont eu lieu depuis des années, ils vont hurler qu'on veut la mort du petit commerce. Comment faire ? D'après Catherine Barbé, il n'y a pas de raison qu'on ne puisse pas obtenir le respect de la réglementation en vigueur. Anne Calves signale qu'une étude a été lancée sur les terrasses dans le quartier piétonnier des Halles. Catherine Barbé propose de faire le point sur l'ensemble de ces questions (terrasses, étalages, enseignes) avec la responsable du service des enseignes, de la publicité et des droits de voirie.

 

Programme de la 2ème phase d'étude, programme d'urbanisme

 

Dans sa communication, ACCOMPLIR a parlé par erreur, à propos du programme qui va être diffusé à la mi-novembre, de « programme d'urbanisme » ; en réalité, ce dernier ne sera élaboré qu'après la fin de l'ensemble de la phase d'étude, prévue en février 2004.

 

Dans l'immédiat, il s'agit du programme de la 2ème phase d'étude, qui va simplement opérer un premier recadrage par rapport aux hypothèses explorées par les équipes d'architectes. Par exemple, un certain nombre de vetos vont être posés : pas question de démolir l'immeuble Rambuteau comme une équipe en avait fait l'hypothèse, pas question de construire une tour, pas question de situer dans le jardin des installations pour les jeux olympiques, pas question de construire dans le jardin. Inversement, un certain nombre d'accords et d'orientations vont être donnés : pour supprimer une partie de la voirie souterraine (propositions à faire par les différentes équipes), ou encore pour prévoir un phasage des travaux (pour ne pas rouvrir un immense chantier comme il y a vingt ans). Nos interlocuteurs n'ont pas pu nous donner davantage de précisions, compte tenu que ce programme est encore en cours d'élaboration et que c'est aux élus de prendre des décisions.

 

Il est probable que le projet final n'aura pas l'ampleur des hypothèses qui ont été présentées par les équipes d'architectes, mais même les plus surprenantes d'entre elles ont eu au moins un mérite, celui d'attirer l'attention sur des problèmes tellement évidents qu'ils auraient pu passer inaperçus.

 

Par exemple, elles ont pointé le fait que la gare RER est sous-dimensionnée, de sorte que la « salle des pas perdus » se trouve en fait dans le jardin et dans tout le quartier ; même si le projet de construire en sous-sol une immense gare de 20 mètre de haut ne sera pas retenu, les différents acteurs du projet ont pris conscience qu'il fallait sérieusement améliorer le confort de la gare existante. De même, l'hypothèse de raser l'îlot Berger ne paraît pas réaliste financièrement, même en le remplaçant par une barre de 50 m de haut, mais elle a eu le mérite d'attirer l'attention sur la nécessité de requalifier la face « jardin » de l'îlot et d'améliorer la qualité de l'espace réservé à la circulation des piétons entre Rivoli et les Halles, qui est pratiquement inexistante du fait du goulot d'étranglement de la place Marguerite de Navarre et du passage des Lingères.

 

Une étape importante : le compte rendu de mandat du maire de Paris

 

Le compte-rendu de mandat de Bertrand DELANOË, Maire de Paris, le jeudi 13 novembre, sera certainement une étape importante car il va probablement révéler les grandes lignes du programme de la deuxième phase d'étude ayant rencontré les équipes d'architectes quelques jours auparavant.

 

Nos interlocuteurs conviennent qu'il faudrait qu'une deuxième réunion publique, entièrement consacrée au projet comme celle de juillet dernier, ait lieu en décembre, animée par exemple par Jean-Pierre Caffet, sans quoi les habitants pourraient se plaindre qu'il n'y ait eu de réunion qu'au début du processus, quand rien n'était décidé, et tout à la fin, quand la mission d'étude était terminée.

 

Le montage financier

 

Souvent, le principe de base des aménagements urbains consiste à financer ces aménagements, ou du moins les infrastructures et les équipements publics qu'ils comprennent, par les recettes produites par l'opération, notamment grâce à la vente de surfaces commerciales. Dans certaines capitales étrangères, cela va même au-delà : on se sert des projets d'aménagement pour renflouer les caisses de la ville.

 

A Paris, c'est plutôt l'inverse : on est prêt à dépenser de l'argent pour l'aménagement si la preuve est faite qu'il existe des besoins. Bien sûr, le rôle de la Direction de l'Urbanisme est de faire en sorte d'essayer de couvrir malgré tout les dépenses par des recettes, et il semble que la SEM Paris-Centre ait particulièrement bien pris en compte cette attente, mais il ne faut pas que cela devienne le seul objectif.

 

Plusieurs cas de figure sont de toute façon à envisager. S'il s'agit d'une opération « minimale », où l'on se contente d'améliorer l'existant et de rectifier les dysfonctionnements les plus importants c'est en quelque sorte une opération d' « entretien », qui doit normalement être prise en charge par la Ville, et dans ce cas on n'a pas forcément besoin de rechercher beaucoup de recettes. Il n'est pas exclu que certaines des équipes adoptent cette approche. S'il s'agit d'une opération beaucoup plus ambitieuse, les coûts seront plus importants, et il faudra alors chercher davantage de recettes.

 

Comment pourrait-on fixer le barème du meilleur rapport « qualité – prix » entre une rénovation suffisamment significative pour être intéressante, mais dont le coût ne soit cependant pas démesuré au point de justifier des apports de capitaux privés qui eux-mêmes contribueraient à rendre le projet encore plus important ? Catherine Barbé indique qu'au mois de février, chacune des équipes fera une proposition en termes de mètres carrés créés par destination ; ce sera à la Mairie de Paris d'arbitrer entre les différentes propositions.

 

Et si aucun des projets ne donnait satisfaction ?

 

Que se passerait-il si aucun des projets ne convenait à la Mairie de Paris ? D'après nos interlocuteurs, c'est peu probable : les quatre équipes ont l'air très motivées et ne voudront pas prendre le risque de perdre le fruit des efforts qu'elles ont consentis pendant tous ces mois d'études. Elles vont donc faire des propositions sérieuses et conformes aux attentes de la Mairie de Paris. Par ailleurs, le contrat précise que la Mairie reste libre de mixer les différentes propositions et de passer des commandes particulières à chacune des équipes.

 

Nous avions cru comprendre que quoi qu'il arrive, il serait impossible de faire appel à d'autres équipes que les quatre qui ont été sélectionnées pour mener à bien le projet ; que se passerait-il si sur une question particulière, par exemple l'aménagement d'un nouveau Conservatoire, aucune des équipes ne proposait un projet satisfaisant ? Catherine Barbé nous a rassurés : dans ce cas, il serait toujours possible d'ouvrir un concours sur un équipement particulier.

 

Le calendrier

 

Lorsque les propositions des quatre équipes vont sortir en février prochain va s'ouvrir une nouvelle phase de concertation, probablement jusqu'en juin 2004. La mairie de Paris prendra alors sa décision sur le projet retenu ou sur une combinaison entre les différents projets. La nouvelle ZAC ne sera certainement pas créée avant le mois de novembre 2004, car la procédure exige que soient menées auparavant des études d'impact sur le projet adopté mais aussi des études sur les solutions alternatives. De plus, la préparation d'une délibération pour le Conseil de Paris exige en elle-même un délai de deux mois. La clôture de l'ancienne ZAC et la création de la nouvelle auront lieu au cours de la même séance. Des moyens seront alloués au projet sous la forme d'une convention publique d'aménagement, afin de pouvoir mener les études supplémentaires nécessaires.

 

Le PAZ et le RAZ (le Plan d'Aménagement de Zone et le Règlement d'Aménagement de Zone, qui avaient été approuvés pour permettre la mise en œuvre de la ZAC actuelle) continueront à s'appliquer jusqu'à ce que le PLU ait été finalisé, ce qui n'interviendra qu'à l'été 2005. C'est alors seulement que le dossier de réalisation du projet des Halles pourra être établi, avec la liste précise des équipements à réaliser ou à modifier.

 

Cela dit, un certain nombre d'opérations pourront être entreprises avant cette date : tout ce qui relève d'opérations d'entretien pourra être fait dès l'adoption du projet par la Mairie de Paris en juin 2004 (environ). Les opérations qui nécessiteront des constructions et démolitions respectant les règles du PAZ et du RAZ (qui s'appliquent jusqu'à l'adoption du PLU) pourront également être entreprises. Mais les très grandes opérations, s'il y en a, devront attendre pour être lancées que le PLU ait été adopté.

 

La fermeture du quartier piétonnier

 

Nous avons fait état de notre préoccupation sur l'absence de propositions des quatre équipes concernant la fermeture du quartier piétonnier à la circulation motorisée et la gestion des livraisons.

 

Anne Calves nous a appris que la connexion des barrières du quartier piétonnier au PC Montorgueil était imminente maintenant (premier semestre 2004). Une fois cette connexion réalisée, les personnes qui souhaiteront entrer dans le quartier devront expliquer leur motif et une caméra permettra à l'opérateur de se rendre compte de quel type de véhicule il s'agit ; à l'heure actuelle, les barrières ne jouent un rôle dissuasif qu'à l'égard de ceux qui ne se sont pas rendu compte qu'elles s'ouvrent dès qu'un véhicule s'approche. On peut espérer qu'avec la connexion au PC Montorgueil, le créneau des livraisons (7h-13h) sera mieux respecté, même si on peut craindre que les opérations de sabotage des barrières se poursuivent.

 

Anne Calves nous a appris que la mise en place de ces barrières est une solution « économique » en attendant l'opération de rénovation des Halles et la décision éventuelle d'opter pour un système plus performant, plus esthétiques et moins « fermé » pour les habitants (du type des bornes du quartier Montorgueil).

 

Le rôle de la SEM Paris-Centre dans l'opération

 

La mission de la SEM Paris-Centre, qui devait durer en principe 18 mois à partir de février 2003 mais pourra être prolongée de quelques mois si nécessaire, consistait à passer des contrats au nom de la ville pour la réalisation des missions d'étude, selon les procédures de choix fixées par la Ville, et à surveiller l'exécution de ces contrats.

 

Lorsque sera signée la convention publique d'aménagement (en novembre 2004 environ), la SEM pourra recevoir une nouvelle mission, celle d'exécuter le programme d'urbanisme. Elle deviendra alors concessionnaire de la Ville et disposera d'une plus grande marge de manœuvre. Elle pourra par exemple fixer les modalités des appels d'offre ou de réalisation des contrats, mais ne pourra en aucun cas s'écarter du programme d'urbanisme défini par la Ville, à qui elle devra rendre compte annuellement.

 

L'opération sera soit préfinancée par la Ville en attendant les futures recettes, soit financée en faisant appel à des banques.

 

La RATP et Espace Expansion se chargeront elles-mêmes de la réalisation de leurs propres travaux : il n'y a pas de raison qu'elles laissent la maîtrise d'ouvrage à un tiers. La SEM assurera la maîtrise d'ouvrage pour les espaces du périmètre appartenant à la Ville, et jouera le rôle de coordinateur général de l'ensemble de l'opération.