Proposition de partenariat
avec lassociation « Aux
Captifs la libération »
qui soccupe des SDF à
Saint-Leu
(27/11/02)
Beaucoup des membres dACCOMPLIR gardent un souvenir pénible du « raté » de la soirée organisée par ACCOMPLIR et les Bachiques Bouzouks à Saint-Leu le samedi 5 octobre 2002. Pour essayer de « rattraper le coup », les Bachiques Bouzouks ont décidé de proposer à la paroisse Saint-Leu danimer le traditionnel repas de Noël offert aux SDF le 24/12 à midi, et auquel une centaine de SDF participent habituellement. Le principe en ayant été accepté par le Père Trinez, Catherine et Elisabeth ont pris rendez-vous le 27/11 avec Christophe Louis, le responsable de lantenne de Paris-Centre de lassociation « Aux captifs la libération », située au 92 rue Saint-Denis, juste à côté de léglise Saint-Leu, pour parler plus concrètement de lorganisation de cette fête.
1) Laction de lassociation
« Aux Captifs la libération »
Cette association est lune des associations de lutte contre lexclusion les plus importantes à Paris, où elle dispose de quatre antennes (dans le quartier des Halles, autour des gares de lEst et du Nord, du côté de la place Dauphine et de la place de la Nation). Elle dispose dun budget de 10 millions de francs, financé à 80% par la Ville de Paris, la DDASS et autres. Ce budget concerne le fonctionnement des 4 antennes, et les 50 salariés de lassociation.
Lantenne de la rue Saint-Denis offre la possibilité dune domiciliation aux personnes disposant dune autorisation de séjour (250 personnes en bénéficient à lheure actuelle), un accueil pour le courrier et le suivi social trois fois par semaine, et un accueil plus informe et convivial deux fois par semaine. Elle effectue également, et cest dailleurs la base du travail des permanents et bénévoles de lassociation, des « tournées-rue » le matin, laprès-midi et en soirée, pour aller à la rencontre des SDF, rompre leur isolement, développer une relation de confiance, ce qui permet, le cas échéant, de résoudre certaines difficultés et de commencer un suivi social. Cette association a également pour but de faire le lien entre les gens de la rue et la société. Comme nous la expliqué Christophe Louis, cela commence déjà par le fait de « changer notre regard » sur les SDF, et même si on nobtenait que ce résultat-là, ce serait déjà énorme.
2) Sassocier au repas de Noël des SDF
Au fil de la discussion, il est apparu quACCOMPLIR pourrait peut-être sassocier non seulement au projet de la fête de Noël mais aussi, plus largement, à cet effort pour recréer du lien avec les gens de la rue, qui même sils ne disposent pas dun toit, comptent manifestement eux aussi parmi les « habitants du quartier ».
Concrètement, le repas de Noël des SDF est un repas assis, où des bénévoles servent les convives à table (daprès Christophe Louis, notre idée dorganiser un buffet pour la soirée du 5 octobre était de toute façon promise à léchec : cette formule ne peut pas marcher avec des SDF, qui pour beaucoup dentre eux ne savent pas vraiment respecter les règles nécessaires au bon fonctionnement dun buffet). Une petite dizaine de membres du « Conseil des Douze » des Bachiques Bouzouks se sont déjà engagés à participer au repas de Noël pour à la fois partager le repas avec les SDF, participer bénévolement au service, puis chanter avec eux. Laccueil commence à 12h par un apéritif (sans alcool) ; le repas commence à 12h30 et il est suivi de lanimation ; le tout se termine à 15h30.
Une école du 14ème arrondissement prépare des cadeaux qui seront offerts aux SDF ce jour-là : chaque colis contiendra un carnet, un stylo, un briquet, des chocolats, et un bonnet, une écharpe, des chaussettes ou des gants.
Lassociation « Noël aux Halles », créée par des commerçants (en particulier les Vêtements Minard), qui organise chaque année un repas de Noël, le soir, à la Bourse du Commerce, pour les SDF mais aussi les gens isolés du quartier, sassocie également au repas de Noël de Saint-Leu en apportant une contribution financière.
Enfin, les Bachiques Bouzouks ont demandé et obtenu de lHôtel Crillon (place de la Concorde) quil offre un énorme gâteau au chocolat pour le dessert.
3) Faire participer des artistes
SDF à la Fête du Jardin extraordinaire
Par ailleurs, Elisabeth a cité ce que Michel Hervé, lors de la soirée du 18/11 (dont le compte rendu sera donné dans le prochain Bulletin) avait dit de la façon dont la ville de Parthenay sétait efforcée de mieux intégrer les handicapés, qui étaient rejetés par la population locale de la même façon que nous avons tendance à rejeter les SDF : la première étape, selon lui, était damener les gens à « regarder » les handicapés. Pour cela, il avait été décidé de faire de nombreux aménagements pour eux dans les rues (rampes daccès aux bâtiments, trottoirs abaissés, etc.), de façon à visibiliser leur présence.
Mais les handicapés que les gens supportaient le moins, parce quils leur faisaient peur, étaient les handicapés mentaux, nombreux dans les rues de Parthenay du fait de la présence dun centre daccueil important.
Lidée est alors venue, toujours pour amener les gens à les « regarder », de mettre en valeur ces handicapés mentaux dans le cadre dune fête. Lun des talents particuliers qui leur a été reconnu est celui de leur extrême sensibilité et affectivité, et la façon de mettre en valeur ce talent a consisté à les faire travailler sur des poèmes de Prévert quils ont lu en public dans le cadre de la fête : leur façon de lire a profondément ému les gens, et cela a constitué un moment vraiment fort de la fête.
Lors de cette réunion avec Michel Hervé, Elisabeth avait suggéré quon puisse faire la même chose avec les SDF du quartier, en cherchant quel « talent » particulier on pourrait mettre en valeur chez eux : la fête du Jardin Extraordinaire constituerait un cadre idéal, puisquelle est destinée à mettre en valeur « tous les artistes du quartier ». Ginette, qui a donné des cours danglais à lAgora-Emmaüs, sétait dite prête à chercher de ce côté-là quels « artistes » nous pourrions inviter. Christophe Louis, des « Captifs », sest dit également très intéressé, car il y a effectivement des artistes parmi les SDF : une fois par semaine se tient un atelier peinture ; il existe également un atelier décriture ; et enfin une chorale est en train de se monter.
Le 2 mars prochain, les « Captifs » vont organiser (probablement à la salle Léopold Bellan) une fête au cours de laquelle les SDF qui le souhaiteront vont présenter un certain nombre de leurs réalisations ; tous ceux qui le souhaitent sont chaleureusement invités à assister à ce spectacle, mais éventuellement aussi à y participer par une prestation.
En retour, la Fête du Jardin Extraordinaire (24 et 25/05/2003) pourrait également accueillir un ou deux « numéros » de cette fête, par exemple la chorale qui est en train de se constituer ; on pourrait aussi imaginer que des poèmes écrits et/ou lus par des SDF soient intercalés entre certains numéros, en alternance avec les contes dAntoine. Ces questions pourront être abordées lors du « remue-méninges » qui va avoir lieu pour préparer cette Fête du Jardin extraordinaire le 12 décembre prochain à 20h30 (lieu à préciser).
4) Faire du lobbying en faveur des SDF
La dernière partie de la discussion a porté sur ce quil faudrait faire pour améliorer laccueil des SDF dans notre quartier. Christophe Louis a souligné que la perspective de ladoption de la loi Sarkozy a dores et déjà eu un impact sur la vie quotidienne des SDF, qui sont selon lui beaucoup plus harcelés quauparavant par les policiers ; cest pourquoi certains dentre eux ont déjà quitté le quartier pour aller dans des quartiers périphériques où on les laisse un peu plus tranquilles, alors même quils ont leurs repères ici et quils sont complètement perdus lorsquon les chasse ailleurs.
Il a expliqué que traditionnellement, notre quartier était très accueillant pour les clochards, qui, à lépoque des Halles, rendaient toutes sortes de service aux marchands. En retour, ils trouvaient sur place assez facilement de quoi se nourrir. Avec le départ du marché des Halles, ils se sont retrouvés désuvrés, et leurs relations avec les habitants et les commerçants se sont détériorées parce quils navaient plus la possibilité de leur apporter quelque chose de positif et de participer à la vie du quartier.
Ils sont cependant restés sur place, dautant quavec le développement du métro et du RER, les Halles sont devenues une gigantesque gare, et que comme chacun sait, les gares sont un des lieux de prédilection des clochards à cause de laffluence considérable quelles créent.
Face à la menace de la loi Sarkozy, qui tend à criminaliser le vagabondage, il paraît urgent daméliorer laccueil des SDF. Selon Christophe Louis, notre quartier manque cruellement de centres daccueil de jour : il ny a guère que celui dEmmaüs, rue des Bourdonnais, ce qui entraîne une concentration qui est source de nuisances pour les riverains. Aux « Captifs », il ny a pas vraiment de possibilité de faire un accueil de jour, car les locaux ne sy prêtent pas. Le samedi main, les SDF sont invités à un petit-déjeuner, et par ailleurs ils sont accueillis dans un certain nombre dateliers, mais en dehors de cela, ils sont surtout reçus individuellement dans les bureaux pour une aide administrative.
Récemment, un partenariat avec la paroisse Saint-Eustache a permis douvrir deux accueils par semaine, le matin, dans la salle de la pointe Saint-Eustache, où les SDF peuvent consommer des boissons chaudes, jouer aux cartes, etc. Les « Captifs » ont signalé cette nouvelle possibilité aux forces de police et aux vigiles du Forum, pour quau moins ces jours-là, ils puissent orienter les SDF vers cet endroit.
Elisabeth a suggéré que lancien local de la halte-garderie des Halles, inoccupé depuis le déménagement de la halte-garderie vers la rue des Prouvaires, puisse être affecté à un accueil de jour des SDF. Certains dentre eux sont dores et déjà présents régulièrement sur la terrasse, notamment le grand personnage que nous connaissons tous, qui sappelle Robert, et qui vit au milieu de son tas de cartons. On pourrait imaginer un « deal » avec lui et les autres SDF qui viennent régulièrement à cet endroit : ils pourraient libérer lespace public en échange de laccueil de jour dans ce local (en plus, ils disposeraient de toilettes à lintérieur, ce qui limiterait une autre des nuisances actuelles considérables de cet espace).
Catherine a souligné que lavantage de cet espace est quil ny a pas de riverains immédiats : souvent, les habitants sopposent à ce quun centre daccueil de SDF soit créé dans leur environnement proche.
Christophe Louis pense que ce serait aussi de nature à soulager le centre daccueil dEmmaüs, qui est débordé, et à diminuer les problèmes dans la rue des Bourdonnais.
Une autre suggestion est de peser auprès de la Ville de Paris pour que les toilettes publiques gratuites promises par Yves Contassot soient enfin créées.
Enfin, Elisabeth souligne que lun des problèmes majeurs qui se posent à propos des SDF dans le quartier, est quon a supprimé systématiquement les bancs publics où ils pouvaient sasseoir. Comme ils restent quand même dans le quartier et quils ont malgré tout besoin de sasseoir, ils sinstallent sur tous les espaces possibles (par exemple la « banquette » de la poste Saint-Opportune, ou encore les pas de porte), mais plus généralement, ils sont contraints de sasseoir ou de se coucher par terre, ce qui est une posture indigne pour des êtres humains. Ne pourrions-nous pas demander le retour des bancs publics pour leur assurer au moins cette forme daccueil minimum ?
Bien sûr, il ne faudrait pas se contenter de trois ou quatre bancs, car dans ce cas ils seraient effectivement « pris dassaut », mais il faudrait envisager la réintroduction dau moins 100 ou 200 bancs publics dans le quartier. Au passage, les passants fatigués, les mémés qui autrefois prenaient le frais le soir devant leur immeuble, bénéficieraient aussi de cette forme daccueil : actuellement notre ville est vraiment inhospitalière pour les piétons, qui nont dautre alternative pour se reposer que daller sasseoir à une terrasse et de consommer (sils en ont les moyens).
Catherine pense quACCOMPLIR devrait pouvoir faire du lobbying sur ce type de question : cela nous permettrait de contribuer de façon vraiment positive à de meilleures relations entre les SDF et nous.
Elisabeth a annoncé quelle profiterait de la réunion de « Compte rendu de mandat du Maire de Paris » qui avait lieu le soir même (le 27/11) pour aborder ces questions, ce quelle a fait ; toutefois, comme il sagit de suggestions qui nont pas fait lobjet dun débat ni dune décision au sein dACCOMPLIR, elle a bien précisé quelle sexprimait à titre personnel.
Le point de vue quelle a défendu a été très bien accueilli par la salle, qui a applaudi, mais aussi par Alain Le Garrec, qui était à la tribune à côté dAnne Hidalgo et qui a rappelé que le terme même de « clochard » était né dans notre quartier : quand sonnait la « cloche des Halles », les clochards étaient autorisés à se servir dans les provisions qui restaient du marché. En tant que président de la SEM Centre, qui va piloter la mission détude sur le projet de rénovation des Halles, il a souligné que laccueil des SDF dans notre quartier pourrait constituer un thème important de la réflexion qui va être menée sur la rénovation du Forum et du quartier.
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