Texte publié par l’IAURIF (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région d’Ile-de-France) sur son site Internet

 

http://www.iaurif.org/fr/savoirfaire/etudesenligne/democratie_participative/points_vues_croises.htm

 

 

Démocratie participative et aménagement régional

 

 

Points de vues croisés sur trois expériences lors de la table ronde du 27 Avril 2000

"Morceaux choisis"
La table-ronde du 27 avril 2000 a été consacrée à trois démarches de concertation concernant des projets ou des politiques d'aménagement dont les enjeux se situent à l'échelle métropolitaine :
1. le Comité permanent de la concertation sur la ZAC Paris Rive Gauche ;
2. l'élaboration concertée du Plan de déplacements urbain d'Ile-de-France ;
3. le rôle du Stadtforum dans la planification de Berlin.

Présentation des 3 expériences

Largement ouverte au monde associatif, cette première rencontre a permis de franchir une première étape dans la réflexion sur la "démocratie participative et l'aménagement régional".

En introduction aux actes de la table-ronde, des "morceaux choisis" ont été extraits des débats. Précédés d'un commentaire introductif, ils sont organisés en sept grandes questions, sur la base des thèmes abordés. Les premières questions interrogent les principes fondateurs de la participation des citoyens à la transformation de leur cadre de vie. La dernière traite plutôt des méthodes et outils de la concertation.

Les "morceaux choisis" de la table ronde ont été organisés autour de sept questions. Celles-ci constituent une grille d'interprétation des interventions, indépendante de l'ordre des présentations et des débats :

1. Quel est l'objet de la concertation ?
2. Comment choisir les interlocuteurs "non-institutionnels" de la concertation ?
3. Comment faire en sorte que la compétence de tous les partenaires puisse s'exprimer et soit reconnue ?
4. Quelle est la place des élus dans un dispositif de concertation ?
5. Quelle est l'utilité sociale et économique de la concertation ?
6. Comment susciter l'implication des citoyens à toutes les échelles ?
7. Quels moyens pour que cela marche ? (l'ingéniérie de la concertation)

1 Quel est l'objet de la concertation ?

La question de la recherche du consensus et du partage de la culture interroge la finalité même de la concertation. Sert-elle à éviter les contentieux ? A construire du consensus ? A améliorer les projets ?

Certains participants ont déclaré qu'ils avaient la volonté de partager le plus largement possible leur culture technique pour essayer de trouver un consensus sur le projet. D'autres ont expliqué qu'un consensus apparent pouvait masquer l'absence de substance d'un projet et que le meilleur moyen d'éviter cet écueil était d'accepter la part de conflit inhérente à tout changement.
D'autres sont allés jusqu'à dire que l'intensité du conflit était peut-être le meilleur révélateur de l'efficacité d'une concertation et qu'un projet ne pouvait être réellement infléchi qu'à la suite d'âpres négociations avec l'aménageur.

Si "consensus" il y a eu dans la salle, c'est bien sur le fait que la concertation n'est sûrement pas l'antidote au contentieux, mais qu'elle est indispensable au renouvellement de la démocratie.


Ce qui est important, c'est que ce sont des cultures qui se partagent. Et ça permet un débat qui n'est plus du tout un débat de techniciens mais qui est un vrai débat quasiment citoyen.
Marc PAPINUTTI (Directeur adjoint, Infrastructures et Transports Direction Régionale de l'Équipement d'Ile-de-France, DREIF).

De nombreuses associations ont une capacité d'apport, d'enrichissement des projets.
Jacques MARVILLET (Directeur, Direction de l'Aménagement, de l'Urbanisme et de la Construction, Ville de Paris).

Il n'y a jamais eu de concertation et -en tant qu'association- je parlerai de "négociation". (...) tout ce qui a pu être obtenu, d'une façon générale, on l'a eu à la force du poignet, du fait d'être dans la rue, de monter des dossiers, de faire des pétitions.
Pierre-Alain BROSSAULT (Président, Association l'Ecologie pour Paris).

Le degré de conflit est un indicateur de la réussite de la concertation. (...) Pour avoir concertation il faut qu'il y ait un minimum de mésentente.
Ingrid ERNST (Maître de conférences, Université de Paris X-Nanterre).

On peut partager de façon à peu près équitable ou de façon tout à fait inéquitable ; on peut avoir une alouette et un cheval.
Michel BOURGAIN (Responsable associatif, Association L'Île Vivante).

[la concertation devient] un élément fondamental de méthode d'élaboration et de gestion des projets.
Jacques MARVILLET (Directeur, Direction de l'Aménagement, de l'Urbanisme et de la Construction, Ville de Paris).

Il ne faudrait pas réduire la concertation à une arme anti-contentieux et considérer qu'il suffit d'avoir une formule institutionnelle de concertation pour [les] éviter et, en gros, pour que tout fonctionne bien.
Fabrice PIAULT (Président, Association TAM-TAM).

Puisqu'on a éliminé l'idée une fois pour toutes que c'était pour éviter du contentieux, peut-être que tout simplement [la concertation] sert à faire vivre la démocratie. (...) c'est peut-être un outil au service du renouvellement de la démocratie.
Francis BEAUCIRE (Professeur, Université de Cergy-Pontoise).



2 Comment choisir les interlocuteurs "non institutionnels" de la concertation ?

Cette question, qui renvoie aux notions de représentativité et de légitimité de ces interlocuteurs, a été passionnément débattue. Elle est apparue clairement liée à la question des compétences du citoyen. Chacun (y compris et peut-être surtout les associations) s'est accordé sur la nécessité de s'appuyer sur des acteurs réellement "convaincants" au sein du monde associatif, mais aussi sur la difficulté de les trouver, en raison du caractère assez informel et instable de ce monde.
Certains affirment que les associations ont une compétence technique au moins équivalente (si ce n'est meilleure) à celles des maîtres d'ouvrages. Pour autant, elles ne veulent pas se substituer à ces derniers, mais seulement pouvoir discuter d'égal à égal avec eux, et impulser des idées directrices.
Certains pensent qu'il faut éviter d'enfermer la concertation en institutionnalisant les partenaires associatifs.

[dans le Stadtforum] les gens étaient là en tant que personnalités et non pas en tant que représentants de leurs lobbies, mais représentants d'une certaine position qui existe dans la population.
Cornelia POCZKA (Ancienne Secrétaire générale du Ministre chargé de l'Aménagement urbain, Sénat du Land de Berlin)

En ce qui concerne le choix des associations (...), nous avons le problème à Lyon où on a affaire à plus de 15 000 associations, on ne sait plus comment s'en dépêtrer.
Fabienne GOUX-BAUDIMENT (Directrice, Cabinet proGective)

Quelle connaissance a-t-on de ces associations ? Les gens qui sont dedans ne sont-ils pas d'anciens techniciens ? Est-ce que ce sont vraiment des habitants, des citoyens de base ?
Denise RAGU (Chargée d'étude, Division Habitat, équipements et gestion locale, IAURIF)

Définir quels sont les bons interlocuteurs, c'est une tâche essentielle des institutions, c'est très difficile : le milieu associatif est complexe. Il y a une compétence au niveau technique ; il y a une compétence associative, ce n'est pas la même.
Abel GUGGENHEIM (Responsable associatif, Mouvement de Défense de la Bicyclette)

Chez l'aménageur, il y a la volonté soit de se rassurer avec des associations antédiluviennes, institutionnalisées, subventionnées et donc en partie liées par toutes sortes de circuits. Il peut y avoir [aussi] la volonté d'aller chercher l'habitant lambda supposé être favorable au projet. Il faut absolument assumer la diversité du milieu associatif, il faut arriver à conserver une fraîcheur dans le processus de concertation.
Fabrice PIAULT (Président, Association TAM-TAM)

On n'insiste pas assez sur ce que peut apporter l'habitant de base, ou l'habitant à travers la représentation associative.
Georges GONTCHAROFF (Journaliste, Revue Territoires)

Il y a dans cette affaire de concertation une recherche de l'informel. C'est-à-dire qu'à chaque fois qu'on trouve une instance représentative des gens, on cherche à la dépasser en essayant de trouver quelqu'un d'autre.
Fouad AWADA (Directeur général adjoint, Institut d'aménagement et d'urbanisme de la Région d'Ile-de-France, IAURIF)

Dans un processus évolutif qui a son énergie propre, la légitimité ne relève pas de quelque chose de normatif. Est légitime celui qui fait partager sa conviction et c'est tout !
Francis BEAUCIRE (Professeur, Université de Cergy-Pontoise)



3 Comment faire en sorte que la compétence du citoyen puisse s'exprimer et soit reconnue ?

De nombreux participants se sont accordés à reconnaître que la concertation était avant tout un état d'esprit basé sur le respect, la sincérité et la confiance ; que personne n'est dépositaire d'un savoir absolu, et qu'un projet réussi est avant tout une construction collective, l'œuvre d'une multitude de compétences. L'habitant (et ses relais associatifs) possède une compétence inégalable en matière d'utilisation des espaces aménagés. C'est cette "maîtrise d'usage" qu'il faudrait enfin lui reconnaître et employer à bon escient, pour l'élaboration des projets. Le rôle de la concertation n'est-il donc pas justement de créer les conditions pour que les compétences des différents partenaires se renforcent plutôt qu'elles se neutralisent ? Les représentants associatifs reconnaissent que les techniciens ont beaucoup évolué ces dernières années ; par contre ils regrettent que nombre d'élus manifestent une défiance persistante à leur égard. Car leur revendication principale est d'ordre politique : ils veulent pouvoir interpeler directement les élus.

La concertation n'est valable que s'il y a de part et d'autre une sincérité dans la démarche, dans la capacité d'écoute et dans le fait qu'on sait que l'autre peut apporter quelque chose.
Jacques MARVILLET, (Directeur, Direction de l'Aménagement, de l'Urbanisme et de la Construction, Ville de Paris)

Le respect, c'est de faire le pari a priori que les gens qu'on a en face de soi sont capables de construire un système de représentation des choses. (...) On ne peut pas considérer qu'il n'y a qu'un seul et unique champ de compétences qui serait le champ de compétences techniques, disciplinaires, etc. (...). On a en face de soi des gens qui ne sont pas moins compétents même si, parfois, ils ne disposent pas des systèmes de signaux, qu'on appelle la langue, le vocabulaire technique pour se faire comprendre.
Francis BEAUCIRE, (Professeur, Université de Cergy-Pontoise)

Pour avoir concertation il faut qu'il y ait aussi autre chose : un climat social favorable à la participation. (...) un sens du projet (...) [et] un sens de l'identité qui transcende l'identité locale.
Ingrid ERNST, (Maître de conférences, Université de Paris X-Nanterre)

Que demande t'on à l'habitant de base ou à l'habitant à travers la représentation associative une "maîtrise d'usage" ? (...)
Georges GONTCHAROFF, (Journaliste, Revue Territoires)

Dans les processus de concertation qu'on voit là, il n'y a pas cette fameuse confiance dont on dit que c'est pourtant un des principes fondamentaux. (...) pourquoi y a-t-il des stratégies différentes ? C'est parce qu'il n'y a pas forcément d'accord sur les valeurs du futur qui sont portées par les projets.
Francis BEAUCIRE, (Professeur, Université de Cergy-Pontoise)

Y a-t-il ou non une volonté politique de prendre effectivement en compte les remarques qui sont faites et les propositions qui sont formulées par les associations ?
Fabrice PIAULT, (Président, Association TAM-TAM)

 

4 Quelle est la place des élus dans un dispositif de concertation ?

L'implication des élus dans les instances de la concertation est une revendication des associations. Cependant elles constatent qu'ils se retranchent trop souvent derrière leurs services techniques. Ils semblent souvent vouloir éviter l'affrontement direct, d'où peut-être leur manque d'engagement dans la concertation. Il n'y a pas de participation sans décision et la décision revient aux élus.
L'avenir est-il à la complémentarité, voire à la fusion, entre la démocratie représentative et démocratie participative ? C'est ce que semble montrer l'expérience du Stadtforum, décidée et portée de bout en bout par un élu de premier plan, mais rendue possible grâce à l'implication de la société Berlinoise.


Il faut qu'il y ait décision pour qu'il y ait participation.
Ingrid ERNST (Maître de conférences, Université de Paris X-Nanterre)

On a souvent en face de nous des interlocuteurs qui ont une forme de représentativité mais qui ne sont pas vraiment les décideurs. (...) les politiciens ou les élus n'assument pas ou peu leurs responsabilités, ou l'assument dans l'ombre ; ils ne sont pas présents directement en face de nous. (...) ça veut dire que la concertation ne peut pas se développer de manière saine.
Fabrice PIAULT (Président, Association TAM-TAM)

On peut très raisonnablement penser que le système électoral (...) ne permet pas vraiment, dans une assemblée responsable de décisions, de réunir des gens qui ont l'expérience et la compétence sur les divers sujets qui doivent être abordés. C'est pour ça que nous espérons que va se développer (...) la représentation des usagers.
Vincent ACKER (Président, Association "Droits du Piéton)

Le "principe du contre-courant", qui n'est pas encore présent dans la société française, dit que : face à tout pouvoir qui s'exprime, par définition, du haut vers le bas, il y a, non pas un contre-pouvoir, mais un courant ascendant qui peut s'exprimer.
Ingrid ERNST (Maître de conférences, Université de Paris X-Nanterre)

C'est au Comité permanent de concertation (...) d'examiner des hypothèses alternatives en amont qu'on étudie ensemble, sur lesquelles on débat et qui font ensuite l'objet de décisions de la part des politiques sur la base des propositions de ce groupe.
Jacques MARVILLET (Directeur, Direction de l'Aménagement, de l'Urbanisme et de la Construction, Ville de Paris)

Est-ce qu'il n'y a pas deux choix et deux débats qui ne sont pas de même nature, l'un qui tend à clarifier au maximum les enjeux et les choix possibles et à les évaluer [en l'occurrence, le Stadtforum], et un autre qui est de faire des choix politiques [en l'occurrence, le Parlement de Berlin] ?
Hervé BLUMENFELD (Chargé d'études, Division Aménagement de l'espace, IAURIF)

On a souvent opposé démocratie représentative et démocratie participative et on a souvent dit, au mieux, qu'elles devaient se compléter. Je pense qu'elles doivent absolument se fondre dans un futur plus ou moins proche (...) dans un système dynamique où les deux réunies formeront l'expression d'une démocratie renouvelée.
Myriam CONSTANTIN (Conseillère régionale, Membre du Conseil d'administration de l'IAURIF)

Le ministre était toujours présent (...). Il s'exprimait rarement, laissant la parole aux experts dont il utilisait les recommandations dans le processus de décision.
Cornelia POCZKA (Ancienne Secrétaire générale du Ministre chargé de l'Aménagement urbain, Sénat du Land de Berlin )

 

5 Quelle est l'utilité sociale et économique de la concertation ?

Si l'on en croit certains propos, émanant de techniciens ou d'associations, la concertation est aujourd'hui devenue un ingrédient essentiel, voire indispensable pour l'élaboration et la gestion d'un projet. Son utilité technique et son efficacité sociale, seraient donc devenues indiscutables. Il est intéressant qu'à propos de Paris Rive Gauche, la Ville et une association soient d'accord pour dire que la concertation est rentable sur le plan économique et financier. L'évaluation dans ce domaine semble effectivement intéressante à approfondir. Se concerter sur un projet, n'est-ce pas aussi et surtout débattre sur des valeurs et sur une vision du futur ? La première phase d'une concertation devrait alors peut-être permettre à chacune des parties d'expliciter les principes sur lesquels se fondent ses positions. Mais la concertation n'est pas exempte d'effets pervers, comme la crispation sur l'héritage du passé, ou le refus du changement.

Le Stadtforum était très important pour la discussion entre personnes : le directeur de banque était obligé d'écouter le représentant des locataires. (...) On trouvait des consensus là où l'on ne s'attendait pas a en trouver.
Cornelia POCZKA (Ancienne Secrétaire générale du Ministre chargé de l'Aménagement urbain, Sénat du Land de Berlin)

Sur le quartier des Amandiers (Paris XXe), par exemple, la concertation a permis d'aboutir à la satisfaction de tout le monde et dans des délais rapides.
Jacques MARVILLET (Directeur, Direction de l'Aménagement, de l'Urbanisme et de la Construction, Ville de Paris)

L'aide à la décision est favorisée par la participation en ce sens qu'elle prend en compte un processus nécessaire qui est souvent complètement occulté par les technocrates, les aménageurs et souvent même les responsables politiques : pour faire un choix d'aménagement, il ne faut pas simplement avoir un projet, il faut faire le deuil du site antérieur.
Ingrid ERNST (Maître de conférences, Université de Paris X-Nanterre)

Il y a surtout une très forte rentabilité de la concertation. Dans le cas de Paris Rive Gauche, les économies sur l'ensemble du projet se chiffreraient en centaines de millions, voire en milliards si certaines préoccupations qu'on a avancées avaient été prises en compte dès l'origine. Cette approche strictement économique et financière est intéressante dans la réflexion sur les processus de concertation.
Fabrice PIAULT (Président, Association TAM-TAM)

Il faut que nous travaillions sur la notion de "maîtrise d'usage" [de l'habitant]. Pas seulement en termes de marketing, mais aussi en termes de capacité à faire modifier le projet, c'est à dire à avoir en bout de course un produit plus adapté à la demande sociale.
Georges GONTCHAROFF (Journaliste, Revue Territoires)

Quand on fait de la concertation, on donne de la valeur, soudainement, à ce que j'appellerai l'échelle locale.
Francis BEAUCIRE (Professeur, Université de Cergy-Pontoise)

Cet effet pervers de figuration des valeurs, est difficile à éviter d'autant plus que, finalement, il concorde avec la nostalgie des acteurs partie prenante des processus de décision participatifs.
Ingrid ERNST (Maître de conférences, Université de Paris X-Nanterre)

 

6 Comment susciter l'implication des citoyens à toutes les échelles de l'aménagement, du quartier à la région ?

Le passage de l'échelle locale à l'échelle régionale constitue sûrement l'une des principales difficultés méthodologiques pour la concertation. Certains intervenants estiment que les citoyens ont la capacité de comprendre que des décisions locales peuvent avoir des conséquences globales et inversement.
Pour se concerter à l'échelle régionale on a, en tous cas, besoin de fondations solides. Une instance de concertation traitant de questions globales ne peut exister et fonctionner correctement, que s'il existe concomitamment tout un réseau d'initiatives plus locales.


Comment peut-on vouloir aborder directement la participation au niveau régional alors qu'au niveau local, dans cette région, elle est très peu développée ? Comment peut-on amener le citoyen de base -qui n'est pas ou peu interpellé sur ce qui se passe dans son quartier- à s'impliquer sur des questions qui ne l'intéressent pas directement et qui sont d'une complexité autre ?
Denise RAGU (Chargée d'étude, Division Habitat, équipements et gestion locale, IAURIF)

La première version du schéma directeur a été envoyée à tous les foyers berlinois puis a été présentée dans tous les arrondissements, avec les changements proposés. Des étudiants en urbanisme étaient toujours présents aux réunions pour fournir des explications à la population. Il y a eu des discussions au niveau local, dans des écoles surtout, parce que beaucoup de gens ont peur d'aller dans des bâtiments officiels de l'administration.
Cornelia POCZKA (Ancienne Secrétaire générale du Ministre chargé de l'Aménagement urbain, Sénat du Land de Berlin)

On a encore besoin au plan local, régional, national, de faire évoluer cette démarche de participation, de démocratie locale, pour que les habitants se sentent concernés par les sujets à plusieurs échelles, les petites proches d'eux et les plus grandes.
Jacques MARVILLET (Directeur, Direction de l'Aménagement, de l'Urbanisme et de la Construction, Ville de Paris)

Il faut comprendre que des événements qui se produisent à une échelle ne sont pas exclusifs d'autres événements qui se produisent à d'autres échelles et que les uns et les autres se combinent dans des systèmes. Quand on fait de la concertation, on donne de la valeur soudainement à l'échelle locale. Si on fait remonter pour le coup des valeurs locales, la question est de savoir comment ces valeurs locales prennent leur place dans les systèmes.
Francis BEAUCIRE (Professeur, Université de Cergy-Pontoise)

Le passage de cette échelle de proximité, sur des problèmes de voisinage, sur de petits problèmes concrets, à des dimensions plus importantes, puisqu'on parle ici de participation à l'échelle régionale, est tout à fait problématique. (...) Tout est différent. (...) on est bien en présence d'une énorme difficulté méthodologique, celle des échelles emboîtées qui font appel à des sortes d'injonctions d'exercice de citoyenneté emboîtées.
Georges GONTCHAROFF (Journaliste, Revue Territoires)

Ceux qui savent, c'est-à-dire les technocrates, si cette question d'emboîtement d'échelles est importante, doivent savoir que les gens qu'ils ont en face d'eux, les habitants, les citadins, sont aussi capables de comprendre les emboîtements d'échelles.
Francis BEAUCIRE (Professeur, Université de Cergy-Pontoise)

Le Stadtforum qui travaille à l'échelle régionale [est] comme la pointe d'un iceberg s'appuyant sur une multitude d'initiatives, de participations et de concertations [locales].
Ingrid ERNST (Maître de conférences, Université de Paris X-Nanterre)

 

7 Quels moyens pour que cela marche ? (l'ingéniérie de la concertation)

L'ingéniérie de la concertation, qualifiée de "cuisine" par un intervenant, a été longuement décrite lors des 3 présentations. La désignation d'un arbitre de la concertation, "garant" ou animateur paraît, en particulier, un acquis important. Par ailleurs un projet de portée régionale nécessite d'inventer une ingéniérie de concertation spécifique. Ainsi, la procédure actuelle d'enquête publique paraît inadaptée à la nature et la portée d'un projet comme le PDU d'Ile-de-France. Jusqu'à quel point faut-il vulgariser le discours technique sur des projets complexes ? Comment donner aux citoyens les moyens de se former ? En tous cas il ne saurait y avoir de recette de concertation universelle car la méthode doit avant tout être dictée par la nature du projet et être sans cesse être améliorée.

Le coût de la concertation pour le PDU ? La première phase, en avril 1999, a coûté 1,5 MF. Pour l'enquête publique, le budget est de l'ordre de 9 MF.
Marc PAPPINUTTI (Directeur adjoint, Infrastructures et Transports Direction Régionale de l'Équipement d'Ile-de-France, DREIF)

Au début, on avait 3 millions de DM [env. 10 MF], c'était nécessaire parce que les réunions avaient lieu tous les quinze jours, le vendredi après-midi et le samedi (pas de problème pour les professionnels qui pouvaient y participer parce qu'on le faisait sur le temps de loisirs). Une fois prises toutes les décisions essentielles, les réunions du Stadtforum eurent lieu toutes les quatre semaines.
Cornelia POCZKA (Ancienne Secrétaire générale du Ministre chargé de l'Aménagement urbain, Sénat du Land de Berlin)

Sur le plan de la forme institutionnelle, de la forme d'organisation, la création du Comité permanent de concertation est évidemment un progrès ; il y a toute une série d'acquis de fonctionnement importants : le garant, les personnalités qualifiées, l'existence d'un budget qui aide les associations à se coordonner et à s'informer entre elles.
Fabrice PIAULT (Président, Association TAM-TAM)

L'animateur : il présentait les experts invités et il réglait la discussion (...). Il prenait des notes qu'il comparait avec celles du rapporteur qui faisait toujours les comptes-rendus.
Cornelia POCZKA (Ancienne Secrétaire générale du Ministre chargé de l'Aménagement urbain, Sénat du Land de Berlin)

L'architecte coordonnateur est une personne tout à fait fondamentale ; il peut jouer quelquefois un rôle de médiateur parce qu'il est extérieur à la Ville.
Jacques MARVILLET (Directeur, Direction de l'Aménagement, de l'Urbanisme et de la Construction, Ville de Paris)

Nous vivons avec un appareillage juridique qui est fabriqué avec des déclarations d'utilité publique, des enquêtes publiques qui elles n'engagent pas du tout le maître d'ouvrage. Est-ce que ce n'est pas ça plutôt qu'il va falloir faire évoluer vers d'autres formes ?
Fouad AWADA (Directeur général adjoint, Institut d'aménagement et d'urbanisme de la Région d'Ile-de-France, IAURIF)

Il y a aussi un aspect organisationnel. Il faut prévoir, anticiper, de manière à se dire : dans un an, qu'est-ce qu'il faut qu'on ait défini sur ce secteur-là ? Et anticiper de manière à avoir une démarche en amont avec différentes hypothèses.
Jacques MARVILLET (Directeur, Direction de l'Aménagement, de l'Urbanisme et de la Construction, Ville de Paris)

Il faut par contre que nous, techniciens, trouvions un langage beaucoup plus simple que celui de la technostructure. Nous avons donc été amenés à simplifier les discours, c'est vrai, pour accrocher les gens. Il est vrai que nous avons fait de la communication qui ressemble à de la communication grand public, mais avec à chaque fois un avis et une réaction qu'on peut donner.
Marc PAPINUTTI (Directeur adjoint, Infrastructures et Transports Direction Régionale de l'Équipement d'Ile-de-France, DREIF)

Il faut qu'il y ait de l'expertise au service des associations, au service des citoyens, pour les aider à formaliser leur point de vue, à poser les bonnes questions, à contrôler des experts officiels. (...) On fait appel à des bureaux d'ingénierie pour toutes les questions d'ordre technique, mais sur la question de l'ingénierie de la participation citoyenne, on n'a rien.
Michel BOURGAIN (Responsable associatif, Association L'Île Vivante)

On n'a pas assez travaillé sur ces questions, notamment sur l'expertise dont l'habitant a besoin pour exprimer sa "maîtrise d'usage".
Georges GONTCHAROFF (Journaliste, Revue Territoires)

Il y a un outil qui est formidable et vraiment peu coûteux, qu'on a utilisé à haute dose et qu'on continuera d'utiliser, c'est Internet.
Marc PAPINUTTI (Directeur adjoint, Infrastructures et Transports Direction Régionale de l'Équipement d'Ile-de-France, DREIF)

L'évolution extraordinaire depuis quelques années de l'informatique graphique, qui est un outil de travail pour nous tous, et aussi un outil de communication et de relation tout à fait essentiel, nous facilite la présentation dans les réunions de concertation.
Jacques MARVILLET (Directeur, Direction de l'Aménagement, de l'Urbanisme et de la Construction, Ville de Paris)