Participation d'ACCOMPLIR au comité de pilotage du projet d'établissement du Conservatoire :

enquête sur le Conservatoire parmi nos adhérents

(28/01/04)

 

 

A la demande du Directeur du Conservatoire du Centre, M. Cyferstein, dans le cadre de notre participation au Comité de pilotage du projet d'établissement du Conservatoire pour les trois ans à venir, Elisabeth a enquêté auprès des adhérents d'ACCOMPLIR (usagers ou non du Conservatoire) pour élaborer à la fois un diagnostic et des propositions sur la façon pour ce dernier de remplir les quatre missions qui ont été définies par la Mairie de Paris :

 

-         élargir et diversifier les publics

-         former des amateurs autonomes

-         préparer également ceux qui le souhaitent et en ont les capacités à une orientation préprofessionnelle

-         constituer un pôle culturel dans le territoire du conservatoire, en lien avec le tissu culturel, associatif et éducatif (éducation nationale) local.

 

Voici les résultats de cette enquête, qui a été menée lors de notre QG du lundi matin et sur notre groupe de discussion.

 

1) Le Conservatoire est considéré par les habitants du quartier comme un équipement culturel de proximité d'une grande qualité, d'où la forte mobilisation de ces derniers, et notamment des membres de notre association, pour obtenir son maintien sur place et l'extension de ses locaux à l'occasion du projet de rénovation des Halles.

 

2) Le Conservatoire a en particulier l'avantage de proposer aux enfants une pratique culturelle collective à travers les différents orchestres qui leur sont proposés dès la deuxième année d'instrument ; cette dimension de pratique collective paraît relativement rare dans l'environnement éducatif des enfants ; à ce titre, elle paraît très précieuse et doit être préservée à tout prix, d'autant qu'elle est fortement constitutive du plaisir de jouer d'un instrument ;

 

3) Cela dit, le Conservatoire continue d'apparaître comme fermé sur lui-même ; pourrait-il organiser une fois par an une journée portes ouvertes ? l'affichage extérieur pourrait-il être amélioré pour donner à tout moment des indications sur les modalités d'inscription des enfants, sur l'offre de cours, etc. ? En particulier, les gens ont l'habitude, pour la plupart des institutions proposant des activités aux enfants, de faire les inscriptions en septembre ; or au Conservatoire, tout est pratiquement fini au début de l'été : il faudrait informer davantage les gens sur ce point.

 

4) Le Conservatoire garde également une image élitiste. Un certain nombre d'habitants non musiciens du quartier sont restés traumatisés par une expérience négative de leurs enfants à cet égard. Témoignage : « Il y a une dizaine d'années, mon fils, au terme de sa deuxième année de solfège, a été explicitement dissuadé d'aller plus loin ; on nous a dit “Ah mais si les parents ne sont pas musiciens, ce n'est pas la peine d'insister, vos enfants ne pourront pas suivre”. Mon fils en a été traumatisé au point d'en être troublé dans son apprentissage de la lecture ». Le système de « cycles » instauré pour les classes d'instrument vaut-il aussi pour le solfège ? Pourrait-on imaginer un contrôle non éliminatoire des premiers niveaux de solfège, et offrir des possibilités de rattrapage, voire de redoublement positif, en particulier aux enfants de non-musiciens ?

 

5) Une suggestion : mesurer le degré de pertinence du Conservatoire dans sa mission d'élargissement du public des musiciens en évaluant périodiquement la proportion des élèves dont au moins un parent a pratiqué un instrument par rapport à ceux dont les parents n'ont jamais fait de musique.

 

6) Pour aider les familles dans lesquelles personne ne pratique d'instrument et qui ont souvent du mal à accompagner l'enfant dans ses études, surtout pendant les premières années, le Conservatoire pourrait-il organiser un tutorat pour de grands élèves volontaires pour aider bénévolement un plus jeune, une heure par semaine, soit pour le solfège, soit pour l'instrument ?

 

7) Le fait que la première année d'étude n'est consacrée qu'au solfège et à la chorale décourage beaucoup d'enfants, qui voudraient pouvoir commencer tout de suite la pratique instrumentale. Puisque les professeurs d'instruments « rares » commencent à recruter dès janvier, pour être sûrs de trouver des élèves, pourquoi n'en serait-il pas de même pour les autres instruments, quitte à ne commencer que dans le courant du second trimestre, une fois que le recrutement dans les pupitres plus difficiles serait terminé ?

 

8) La règle des redoublements (par plus de deux redoublements) continue-t-elle à s'appliquer et est-elle la même pour tous les conservatoires municipaux ? On peut avoir une période difficile, notamment en solfège, et que le déclic se produise un peu plus tard. Au CNR, par exemple, il y a dans la plupart des cas un très grand écart entre le niveau instrumental et le niveau de solfège, le premier étant généralement beaucoup plus élevé que le second (deux ou trois niveaux d'écart en moyenne) : cela ne semblerait donc pas être très gênant.

 

9) Certains professeurs grondent sévèrement les enfants, ce qui fait que des enfants qui avaient demandé à s'inscrire au Conservatoire pleurent pour ne plus y aller au bout de quelques mois. Un témoignage à ce sujet : « Ma fille a fait 3 ans de Conservatoire. Comme elle a commencé tard (à 12 ans, il y a 6 ans de cela), elle s'est retrouvée avec des petits de 6-7 ans. Heureusement qu'elle était là, car les professeurs étaient très sévères pour les petits. Par exemple, quand il fallait noter les références des livres à acheter, ils dictaient très vite des mots savants que les enfants ne comprenaient pas et n'avaient surtout pas le temps de noter. Chaque année, ma fille a dû recopier plusieurs fois la liste pour que les enfants puissent la donner à leurs parents. » Y a-t-il une réflexion collective sur les méthodes d'enseignement, et en particulier sur la façon de faire face au problème (difficile) des différences d'âge entre les élèves d'une même classe de solfège ?

 

10) Le régime de cours hebdomadaire paraît lourd : peut-être serait-il possible d'avoir le choix entre une version « lourde » (3 cours par semaine dès la deuxième année : solfège, instrument, orchestre), qui correspond à une attente de formation musicale « sérieuse » et une version « légère » (à définir), qui correspondrait plus à ce que peuvent attendre des élèves qui ne veulent étudier la musique que pour le plaisir ?

 

11) Parfois, le créneau proposé pour le cours de solfège est très tardif (jusqu'à 20h) : c'est difficile à envisager pour des enfants qui sont à l'école parfois de 8h30 à 18h.

 

12) Beaucoup d'enfants du quartier fréquentent des classes à horaires aménagés ; de son côté, le collège Poquelin a marqué son intérêt pour la formation musicale en organisant depuis deux ans des classes de 6ème et de 5ème musicales, avec deux heures de formation musicale par semaine au lieu d'une ; serait-il envisageable de nouer un partenariat avec ce collège pour créer une classe par niveau à horaires aménagés (les cours finissant une fois par semaine à 15h, par exemple), pour permettre aux enfants de consacrer plus de temps à leur pratique musicale ? (ou à leur pratique sportive ou autre) ; compte tenu de l'importance de l'offre d'activités culturelles dans le quartier, donner cette possibilité aux collégiens du 1er semblerait cohérente.

 

13) Pendant la journée, aux heures creuses, le Conservatoire pourrait-il mettre à disposition ses salles pour permettre aux musiciens amateurs du quartier de travailler leur instrument sans gêner leurs voisins ?

 

14) Serait-il possible d'organiser des cours d'instruments pour adultes ?

 

15) Le cours de chorale et celui de musique de chambre vocale sont-il ouverts aux amateurs ou seulement à des personnes disposant d'une formation musicale approfondie ? 

 

16) Au Conservatoire, pendant les cours de solfège de 1ère année, certains professeurs d'instruments « rares » viennent faire des démonstrations dans les classes pour recruter des élèves et sensibiliser l'ensemble des enfants à des instruments moins connus ; pour élargir leur audience, pourraient-ils aller également faire des démonstrations de ces instruments dans les écoles primaires du quartier, par exemple dans les classes de CE2 ou CM1 ? Beaucoup d'enfants et de parents sont intimidés à l'idée d'aller au Conservatoire, établissement qu'ils connaissent mal et qui leur paraît réservé à d'autres qu'eux ; le fait de rencontrer des professeurs qui sont « à la recherche » d'élèves serait de nature à les encourager ;

 

17) Serait-il possible d'envisager également une incitation à la pratique musicale des tout-petits par une activité de jardin musical, à la fois au Conservatoire et au sein des écoles maternelles, afin que les enfants « qui ne sont pas nés dans un piano » n'abordent pas nécessairement ce massif montagneux qu'est la musique par sa face la plus lisse et la plus ardue ?

 

18) Les auditions des élèves et les concerts trimestriels pourraient-ils être ouverts à un public plus large que les seuls parents d'élèves ? Un site Internet (relayé sur le site des mairies des 4 premiers arrondissements notamment) pourrait-il être créé pour diffuser ce type d'information largement ?

 

19) Un souhait repris par beaucoup serait la création d'une harmonie ou d'autres formations instrumentales pouvant accueillir à la fois les élèves du Conservatoire, les anciens élèves (qui souvent abandonnent toute pratique instrumentale dès qu'ils cessent de suivre les cours du Conservatoire, faute de structure collective pouvant les accueillir), et les amateurs du quartier ; l'avantage de l'harmonie serait qu'une telle formation trouverait de nombreuses occasions de se produire dans le quartier, notamment dans le jardin des Halles tout proche, mais aussi dans les trois autres arrondissements, et qu'elle contribuerait ainsi efficacement au rayonnement du Conservatoire.

 

20) Serait-il envisageable que le Conservatoire, qui est essentiellement dédié aux musiques classiques occidentales, aille parfois à la rencontre des musiques ethniques, par exemple en accueillant dans ses locaux, pendant les vacances scolaires, des stages ouverts aux élèves et amateurs pratiquant des instruments « classiques » pour une initiation à ce type de musique ? On pourrait peut-être imaginer un partenariat avec le Théâtre de la Ville (place du Châtelet), qui organise de façon très régulière des concerts de « musique du monde ».

 

21) Le quartier des Halles compte beaucoup d'habitants sans-abris, qui sont exclus de la vie économique, mais aussi sociale et culturelle ; des élèves volontaires du Conservatoire pourraient-ils de temps en temps offrir un concert aux gens de la rue, soit dans le cadre de l'Agora Emmaüs, rue des Bourdonnais, soit dans celui de l'association « Aux captifs la libération » (rue Saint-Denis) ?

 

Quelques renseignements glanés pendant la réunion du comité de pilotage du projet d'établissement :

 

-         Paule Champetier de Ribes a calculé ce que coûte aux parents une heure d'enseignement du conservatoire (on prend le prix annuel et on divise par le nombre d'heures, toutes disciplines confondues) : 2,07 euros !

-         64% des élèves sont des filles (sans compter les danseuses, qui explosent les statistiques) ; et plus on monte en niveau, plus les effectifs se féminisent : bravo les filles !

-          plus un enfant commence tard l'apprentissage de la musique, plus il risque d'arrêter tôt. L'âge "classique" pour commencer, c'est 7 ans : il faut que quand l'enfant arrive dans les grandes classes du collège et au lycée, il soit déjà autonome dans son instrument (c'est-à-dire qu'il se débrouille seul, mais aussi que les parents n'aient plus besoin de le "forcer"), sinon les ados font du chantage et parviennent à convaincre les parents qu'ils doivent arrêter parce que ça leur donne trop de travail.

 

Le directeur du Conservatoire, M. Cyferstein, va rédiger une synthèse très complète de tous les éléments d'enquête qui ont été rapportés au cours de cette réunion, et que nous pourrons diffuser.