Patrimoine

Polémique autour d'un dîner privé au Louvre

CE SOIR, 2 500 invités se presseront dans la cour Carrée du Louvre pour assister à un dîner de prestige dans le plus flamboyant site historique de Paris. Ces convives triés sur le volet, qui dîneront au pied des façades historiques, sont les invités du groupe Carrefour, qui réunit ses directeurs. Pour un montant resté secret, le grand distributeur s'est offert la cour Carrée « dans le cadre d'un plan de mécénat », observe le service de communication du Louvre, qui a vu fondre sur lui les critiques du maire UMP du I e r , Jean-François Legaret, et de la députée Martine Billard (les Verts), laquelle dénonce la présence « des marchands du temple au coeur du temple de la culture ». Ainsi, selon le musée, Carrefour, mécène qui finance les Journées du patrimoine du Louvre et des ateliers pédagogiques pour enfants (mais, là encore, le montant est secret), était en droit d'attendre une contrepartie : « Il faut bien une incitation au mécénat culturel, ajoute-t-on. Et le musée assume tout à fait. » Grâce à des dons qui ne sont donc pas tout à fait désintéressés, la société peut donc s'offrir le droit de planter 2 500 couverts dans la cour Carrée. « Je n'en veux pas à Carrefour, je comprends qu'ils recherchent un site prestigieux comme l'avait fait avant eux Vivendi », tempère Jean-François Legaret : « Le problème, c'est la direction du musée qui fait une utilisation commerciale du site. Car, en plus de la soirée, pour les besoins des équipes techniques, la direction a également autorisé l'utilisation de toute l'esplanade et de la colonnade du Louvre, du 13 février au 18 mars », tempête le maire du I e r , dont le bureau donne en direct sur les préparatifs. Sous ses yeux, conteneurs, groupes électrogènes, bungalows et palissades, « des palissades qu'on m'a dit décoratives. Il faut les voir ! Bref, l'entrée historique du musée est transformée en entrée de service ! ». Jean-François Legaret, qui s'est indigné de cette autorisation, rencontrera Jean-Jacques Aillagon, le ministre de la Culture, cette semaine pour s'en plaindre, « tout comme je déplore la fermeture de la colonnade Perrault. Tout ça, sous prétexte de plan Vigipirate alors qu'en réalité le but du Louvre est d'obliger tous les visiteurs à passer par la pyramide et par la galerie commerciale qu'elle dessert. Voilà le véritable motif. » « C'est un mauvais procès qu'on nous fait », répond à ce propos le Louvre. La députée Martine Billard n'est pas plus tendre : « Ainsi, l'espace public peut être privatisé au profit des intérêts particuliers d'une grande entreprise et un lieu de culture livré à une manifestation très éloignée de la mission de service public qui incombe à un musée national. » Pendant ce temps, ajoute-t elle, « les demandes d'aménagement des jardins des Tuileries pour les familles sont systématiquement rejetées ». Pis, en réponse à ses protestations, « le président directeur du Louvre m'a fait préciser qu'il s'agissait d'un dîner auquel devraient participer plusieurs membres du gouvernement ! Voilà donc une conception encore plus bizarre de l'exercice des responsabilités publiques », dénonce-t-elle.

M.C.

Le Parisien, lundi 10 mars 2003

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Le tract distribué par ACCOMPLIR

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