Libération (15/12/04)
        
          
       
          
          
        
          
       
          
          
        Les Halles : le lobbying vert a-t-il fait changer
          Delanoë ?
            
    Le projet Mangin pourrait être adopté ce matin par les socialistes.
    
    Par Sibylle VINCENDON
    
    mercredi 15 décembre 2004
    
    Les Verts l'auraient-ils emporté ? Selon toute vraisemblance, c'est
    leur
    choix qui devrait être suivi ce matin par Bertrand Delanoë pour
    le
    réaménagement des Halles. Le projet de l'architecte français
    David Mangin
    serait déclaré vainqueur par le maire à l'issue de la
    commission d'appel
    d'offres, contre ceux de Rem Koolhaas, Jean Nouvel et Winy Maas. Pour les
    Verts, c'est parfait : c'est ce lauréat qu'ont réclamé fortement
    une partie
    d'entre eux, emmenés par l'adjoint à l'environnement, Yves
    Contassot. Début
    novembre, ce représentant de l'aile «dure» des Verts,
    celle qui menace
    régulièrement de contrer les socialistes au Conseil de Paris,
    avait exigé
    que Delanoë se range à ce choix, alors qu'un autre projet, celui
    du
    Néerlandais Rem Koolhaas, semblait tenir la corde.
    
    Influence. Si cette décision était confirmée ce matin,
    les amis de Contassot
    mesureraient avec satisfaction la portée de leur influence au sein
    de la
    majorité municipale. D'autant que, comme souvent, les Verts n'étaient
    pas
    d'accord entre eux. Denis Baupin, adjoint aux transports, concerné au
    premier chef par ce noeud de métro-RER que sont les Halles, penchait
    pour la
    solution Koolhaas. Il a mis son mouchoir sur ses préférences
    et la
    représentante verte à la commission d'appel d'offres devrait
    voter Mangin ce
    matin. Pour défendre un projet «modeste», même s'il
    comporte un toit de deux
    hectares.
    
    Avec le choix de Mangin, la victoire des élus écologistes serait
    d'autant
    plus marquée que les socialistes ne partaient pas du tout là-dessus.
    Bertrand Delanoë a eu envie d'emblée du projet de Rem Koolhaas,
    qui aurait
    pu marquer Paris comme le Centre Pompidou en son temps. Des adjoints de
    poids comme Jean-Pierre Caffet, à l'urbanisme, ou Lyne Cohen-Solal,
    au
    commerce, se sont prononcés en faveur du Néerlandais. D'autres étaient
    moins
    chauds, comme Christian Sautter, adjoint au budget, qui doutait de l'utilité
    de faire quelque chose aux Halles. Sautter a d'ailleurs toujours expliqué
    que l'argent public était davantage destiné à des zones
    plus en difficulté
    que le centre.
    
    Conservatisme. Les pressions se sont multipliées, dont celle d'Unibail,
    groupe immobilier propriétaire des boutiques du Forum des Halles.
    Caffet a
    finalement changé d'avis. Certains maires d'arrondissement PS ont
    assisté,
    consternés, à une montée dans leurs rangs d'un conservatisme
    architectural
    caractéristique des Verts. D'autant plus étrange qu'il n'existait
    pas de
    polémique anti-Koolhaas. «Nous, socialistes, n'osons plus rien,
    soupire l'un
    d'entre eux. Il y a une sensibilité extrême aux refus de certains
    Parisiens
    de tout projet. J'ai même des mouvements de protestation contre des
    chantiers d'école...»
    
    Divisant les socialistes, le choix du projet Mangin, s'il est effectif,
    ferait des mécontents à l'autre bout de la majorité plurielle,
    chez les
    communistes. Depuis longtemps, ces derniers défendent une vision de
    la ville
    radicalement opposée à celle des Verts : eux demandent une
    relance de la
    construction de bureaux pour créer des emplois sur Paris. Sur le dossier
    des
    Halles, ils avaient de longue date opté pour le projet de Koolhaas.
    Et l'ont
    redit lundi en Conseil de Paris. Or, voilà qu'hier matin les communistes
    parisiens ont publié un communiqué outré pour se plaindre
    que Jacques
    Daguenet, leur représentant à la commission d'appel d'offres,
    ait été
«écarté» le matin même. Suppléant, Daguenet
rappelle que cette commission se
    réunit toutes les semaines et dit qu'il y a un «tourniquet» entre
    titulaires
    et suppléants. «La semaine dernière, j'ai participé comme
    titulaire et j'ai
    voté. J'ai demandé que, pour cette CAO consacrée aux
    Halles, ce soit encore
    le cas pour que toutes les sensibilités soient représentées.
    Cela avait été
    accepté.»
    
    L'Hôtel de Ville récuse cette version. «On ne peut pas
    dire qu'il a été
écarté. Il n'est pas membre titulaire, réplique Laurent
Fary, porte-parole
    du maire. Il est suppléant et il n'y a pas d'absent.» Quant à la
    représentation de toutes les sensibilités, Fary répond
    que le MRC n'a aucun
    membre à la CAO, même pas un suppléant.