Libération (13/12/04)

La quadrature des Halles au finish

Le projet lauréat sera désigné mercredi par la mairie de Paris, après huit mois d'incertitudes, à l'image de la politique urbaine de Delanoë.

Par Sibylle VINCENDON

Les Halles, ou comment s'en débarrasser. Cette semaine, Bertrand Delanoë devrait enfin trouver une issue à l'encombrante opération de réaménagement du quartier, qui lui empoisonne la vie depuis huit mois. C'est mercredi en effet que se réunira la Commission d'appel d'offres de la ville de Paris, pour choisir un lauréat parmi les quatre équipes en présence : celles des architectes français Jean Nouvel et David Mangin, et des Néerlandais Rem Koolhaas et Winy Maas. Les trois membres PS de la Commission, dont la présidente, voteront comme le maire de Paris le leur conseillera. Ce dernier veille à entretenir le suspense jusqu'au dernier moment.

Délais. Pas seulement, sans doute, par goût de la surprise. Tout montre que Bertrand Delanoë aura hésité jusqu'au bout sur le parti à suivre. On lui a d'abord prêté un coup de coeur pour Koolhaas, au printemps, lorsque les projets ont été dévoilés. Puis un revirement vers Mangin à l'automne. D'aucuns ont évoqué une déception face au rendu de Jean Nouvel, trop bétonneur et impossible à porter politiquement face à des électeurs parisiens réputés allergiques à l'inflation des mètres carrés. Seule certitude : l'embarras du maire. Alors que la Commission d'appel d'offres était prévue pour juin, Delanoë l'a repoussée d'abord à l'automne puis «avant la fin de l'année». L'arrivée certaine de la Saint-Sylvestre a empêché un report supplémentaire. Mais le vote en Conseil de Paris a, lui, été reculé de janvier à février.

Cet empilement de délais pourrait prendre aujourd'hui un autre sens. Car la priorité actuelle de Bertrand Delanoë, ce n'est pas les Halles, mais la candidature de la capitale aux Jeux olympiques de 2012. La mairie a certes lancé fin 2002 une compétition internationale pour remédier aux gros dysfonctionnements du quartier des Halles, et en particulier à l'insécurité de la salle d'échanges du RER en sous-sol. Mais les élus ne s'attendaient pas au succès public de ce concours (125 000 visiteurs à l'exposition des projets) qui fait de l'ombre au dossier JO dont les Parisiens se soucient apparemment peu. Delanoë, qui maîtrise habituellement sa communication comme un chef, a été dépassé par les événements.

Clash. Ce désagrément s'accompagne d'un contexte politique enquiquinant. Yves Contassot, adjoint (Vert) à l'environnement, a publiquement exigé que le maire choisisse le projet Mangin. Tandis que Denis Baupin, adjoint aux transports, autre Vert, recommandait Koolhaas. En Commission d'appel d'offres, la représentante Verte votera Mangin. Si les socialistes font un autre choix, y aura-t-il un clash au Conseil de Paris ?

Il faut ajouter à tout cela les pressions qu'exerce le promoteur Unibail, propriétaire du très rentable centre commercial du Forum des Halles. Pour lui, c'est Mangin qu'il faut. Or il peut être gênant pour un maire socialiste de paraître obéir à un groupe immobilier pour décider de l'avenir de la ville.

Bertrand Delanoë pourrait être tenté d'en sortir par un choix dilatoire. Sélectionner un gagnant qui décrocherait d'abord un marché d'études, ce qui amènerait tranquillement jusqu'en été. En juillet, tombera la décision du Comité international olympique. Si Paris est alors retenu, il sera bien temps de remettre le chantier des Halles à une prochaine mandature, en espérant que le climat s'apaise. Toutefois il est exclu que le maire ne soit pas décidé à mener vraiment les travaux. Le quartier en a besoin. Car si les magasins sont florissants, les pavillons qui abritaient les équipements publics tombent en ruine, les accès au sous-sol bouchonnent, le jardin est morcelé. Et les sorties de secours de la salle d'échanges du RER, où se croisent 800 000 personnes chaque jour, sont effectivement très préoccupantes.

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Editorial
Immobilisme
Par Gérard DUPUY

Pour avoir l'impression de vivre au XXIe siècle, il vaut mieux éviter d'habiter Paris ou bien voyager à l'étranger. Depuis trois décennies, les normes haussmanniennes ne souffrent pas de contestation dans la capitale et l'équipe Delanoë, dans le droit-fil du chiraco-tibérisme, se livre à une forte consommation de réverbères en fonte pseudo-Napoléon III flanqués de leur immanquable fontaine Wallace. Pour le fun, il y a Paris-plage et la place de l'Hôtel-de-Ville transformée en cour de récréation à perpétuité, avec toujours plus de panneaux Decaux pour la touche moderne. La capitale devient de plus en plus chère  le marché chasse les pauvres  et de plus en plus confortable  les Verts chassent les bagnoles à coups de couloirs de bus. Le conservatisme urbain s'accommode d'une tentation néovillageoise, en version comité des commerçants ou bien associations de quartier. A défaut de pouvoir construire les villes à la campagne, importons Corrèze ou Lubéron à Paris.

Le maire de Paris est apparemment conscient des inconvénients de cet immobilisme immobilier. Sa proposition d'envisager la construction d'immeubles élevés le montre. Mais la rebuffade qu'il a essuyée témoigne des risques d'impopularité qui iraient avec une politique urbaine audacieuse. Avec la rénovation des Halles  la principale marque de Chirac sur la ville, succès de foule et échec de société  il pourrait s'inspirer de l'exemple de Mitterrand qui montre qu'on peut faire consensuel et raté (l'opéra Bastille) et polémique et populaire (le Louvre de Pei). Si les associations de riverains avaient existé, il y aurait beaucoup d'espaces verts mais jamais Paris n'aurait dépassé les dimensions de Lutèce.

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Quatre projets en lice

Les jardins de Nouvel
Sur un immense carreau de 27 mètres de haut, recouvrant le Forum et une partie du jardin existant, seront installés un nouveau jardin et une piscine. Des bâtiments doivent refermer le parvis. Ce projet, jugé trop dense, a été remanié et les constructions supplémentaires limitées.

Le carreau de Mangin
Un toit carré percé de verrières à 9 mètres du sol recouvre le Forum. Le jardin est organisé le long d'un large axe central, suivant une composition classique, qui débouche sur la Bourse du commerce reconvertie. La gare RER est sécurisée grâce à des escalators permettant un accès direct à l'air libre.

Le jeu de quilles de Koolhaas
Des «émergences», quilles de volumétries différentes (dont le nombre est revu de 21, à 6 ou 12) lient surface et souterrain, découpé en trois «tranchées» à profondeur distincte. La lumière naturelle atteint les entrailles du quartier, la gare RER est longée par une galerie à ciel ouvert, réglant ainsi les problèmes d'évacuation.

Le vitrail de Maas
A cinq mètres au-dessus du niveau de la rue, est posé, comme un couvercle, un vaste vitrail coloré dans lequel sont «incrustés» des arbres. Une transparence qui laisse passer la lumière jusqu'au quai du RER mais présentait des difficultés de circulation pour les piétons. Dans un projet modifié, le vitrail a été «ondulé».

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Saskia Sassen, spécialiste de sociologie urbaine:
«L'occasion de bondir hors de l'inertie du déjà-construit»

Saskia Sassen, professeure de sociologie à l'université de Chicago et de sciences économiques à la London School of Economics, et auteure de The Global City (1), nous donne son point de vue sur les projets de l'urbanisme parisien :

«Tout d'abord il me faut mentionner que je ne vis pas à Paris, que je n'en suis qu'une usagère occasionnelle et qu'il serait très présomptueux de ma part de prétendre avoir étudié de près les différents projets en gestation. Je sais, cependant, qu'il s'y présente aujourd'hui l'opportunité d'une intervention significative. L'inertie des environnements construits dans les villes, même s'ils sont, comme souvent à Paris, absolument "adorables", devrait attirer notre attention sur l'enjeu que représente la possibilité d'y intervenir  ne serait-ce que pour bondir hors de cette inertie, qui nous accompagne inévitablement. Ce n'est pas que l'inertie soit laide. Parfois, l'environnement construit peut être spectaculairement beau. L'inertie peut être belle ou laide, nécessaire ou contingente, bonne ou mauvaise. De toute façon, il nous faut fondre sur toute occasion que la ville nous offre, pour sauter hors du moment, du présent et du passé capturés par ce qui existe déjà et que j'aime décrire sous le terme d'inertie. Ces occasions sont si rares. Il en existe par exemple, à New York, sur le site de Ground Zero, mais elle se décline sur le mode de l'occasion manquée : est-ce qu'on veut reproduire à Paris, ce qui arrive à New York, ou est-ce qu'on veut faire le saut ? Il faut avoir le courage de le faire, ce saut, qui en même temps reste connecté à l'expérience humaine, mais dont nous avons absolument besoin pour devenir les acteurs de notre imagination.»

(1) La Ville globale. New York, Londres, Tokyo, Descartes, 1996.

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Un grand vide urbain à la Ville

L'équipe Delanoë s'est concentrée sur le social et a montré peu d'audace.

Par Sibylle VINCENDON

De quoi Paris aura-t-il l'air dans dix ans ? Comment seront les rues, les nouveaux bâtiments, les quartiers aujourd'hui en devenir ? Y aura-t-il davantage d'habitants, travaillera-t-on sur place ? L'image de la capitale aura-t-elle été améliorée ? Les réponses à ces questions dessinent la politique urbaine que mène une ville. Or, à Paris, les mandatures de droite, Chirac puis Tiberi, furent médiocres. Et celle qu'a entamée la gauche semble avoir du mal à faire beaucoup mieux. Les premières décisions de ces trois ans et demi montrent que l'urbanisme n'est pas un des champs sur lesquels l'équipe Delanoë se sent le plus à l'aise.

Jardins. Depuis que la gauche est aux affaires municipales, elle a pourtant eu à lancer plusieurs gros dossiers urbains. Le principal, c'est la révision du plan local d'urbanisme, le PLU, qui remplace l'ancien plan d'occupation des sols de 1977. Les prémices de ce PLU  qui doit être débattu au Conseil de Paris en janvier  sont impeccables sur le plan social : on y développe l'emploi à l'est, on y crée du logement social à l'ouest par exemple. Mais l'urbanisme qui s'y dessine est plus contestable : prime a été donnée au patrimoine, avec des niveaux de conservation des bâtiments supplémentaires. Et surtout, interdiction est faite de densifier, autrement dit de construire davantage ou plus haut. Un questionnaire envoyé aux Parisiens, et retourné par plus de 120 000 d'entre eux, a confirmé ce parti malthusien défendu par ailleurs par les Verts : les habitants demandent plus de jardins et ne veulent pas qu'on monte en hauteur.

Ainsi s'est retrouvée évacuée une bonne fois pour toutes la seule tentative un peu audacieuse de Bertrand Delanoë en matière de bâtiment : celle de relancer la construction de tours. Evoquée dès 2003, dans une interview à Libération, l'idée visait d'abord à recréer des bureaux  donc de l'emploi  dans la capitale. Elle aurait pu avoir en corollaire une ambition de création architecturale, même si la hauteur n'est pas le seul moyen d'être créatif. Ainsi, la première mouture du projet de Mangin pour les Halles prévoyait-elle un bâtiment haut comme le Centre Pompidou voisin. Impossible, vue la réglementation interdisant de dépasser les 25 mètres. Même sort pour le projet d'Yves Lion à la porte d'Ivry, qui aurait mieux utilisé des mètres carrés placés entre des bretelles autoroutières.

Jeux. Traumatisés par l'urbanisme des années 60, les Parisiens ne veulent plus rien entendre sur l'architecture. Mais le maire n'a rien tenté pour leur expliquer qu'il pouvait en exister une autre version. Echaudé par le débat avorté sur les tours, Delanoë a mené depuis lors une politique urbaine marquée par la discrétion, voire l'invisibilité. Alors qu'il nous confiait au printemps 2003 envisager «un grand concours international» pour l'éventuel village olympique des Batignolles, c'est une procédure franco-française qui s'est déroulée, dans l'indifférence générale. Pire, la candidature aux JO de 2012 a entraîné ipso facto le secret sur les travaux du lauréat, l'urbaniste François Grether. Même confidentialité sur l'énorme zone Paris Nord- Est, où les architectes Dusapin et Leclercq, ont oeuvré sans que les élus assurent plus que ça la publicité de leurs idées. Eux aussi ont d'ailleurs remballé quelques m2 de bureaux dans leurs cartons, pour faire moins dense.

A l'exception des Halles qui se sont retrouvées sur le devant de la scène de manière inattendue, aucun projet urbain n'a été porté jusqu'à présent comme un grand projet. A l'Hôtel de Ville, rien ne fait office de laboratoire d'idées : Jean-Pierre Caffet, l'adjoint à l'urbanisme, assure un travail de technicien ; l'Atelier parisien d'urbanisme est marginalisé. Aucune personnalité d'envergure de l'action urbaine (architectes, hauts fonctionnaires, spécialistes reconnus) n'entoure le maire. Dans ce contexte, la politique de déplacements, avec ses couloirs de bus, tient lieu de politique urbaine. S'y ajoutent les opérations menées sur les quartiers d'habitat social (porte Pouchet, Saint-Blaise). Et la couverture de certains tronçons du périphérique. L'ensemble est socialement utile, mais ne peut pas constituer toute l'ambition urbaine d'une capitale censée penser aussi à l'échelle planétaire.

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François Barré, consultant, évoque un «urbanisme de l'événement» des villes européennes:
«De l'architecture et de l'ordinaire»

Par Elisabeth LEBOVICI

Il fut directeur de l'architecture et du patrimoine (1996-2000) au ministère de la Culture, président du Centre Pompidou (1993-96), ancien président de la Grande Halle de la Villette (1981-90), cofondateur du Centre de création industrielle (1968-77), et se présente comme consultant sur des projets urbains et culturels (celui de la Fondation Pinault, par exemple). François Barré est l'un des rares en France à avoir à la fois du champ sur l'histoire et une pratique du projet architectural.

On a beaucoup parlé du développement des villes dans le contexte de la mondialisation, comme de la ville globale. Les villes européennes se renouvellent-elles ?

Aujourd'hui l'évidence d'une pluralité des villes est de plus en plus forte. Les villes européennes ont quelque chose à préserver. En même temps, il faut les faire vivre dans le temps : autrement elles meurent. La ville ne peut survivre qu'en vivant à nouveau.

Vous avez des exemples en Europe ?

Je pense à Gênes, Barcelone, Lille  avec d'ailleurs une caractéristique intéressante. Dans la vie nouvelle de ces villes, il y a à l'oeuvre un urbanisme de l'événement, du prétexte, lié à une vision programmatique. La ville ne s'inscrit plus dans un récit politique, mais dans un présent continu qui la marque au travers d'événements, comme les JO, l'élection de capitale culturelle, les expositions universelles. Ce mouvement a commencé, me semble-t-il, au moment des Jeux de Sydney avec la création de l'Opéra : souvent dans ces grands développements, il y a un bâtiment qui sert d'icône, ce qui s'est vu récemment à Athènes, avec le stade olympique de l'architecte Calatrava. Gênes bénéficie aujourd'hui de la dynamique d'être capitale culturelle européenne. A Paris également, les plus grands projets en cours, le Nord-Est, la zone des Batignolles sont des projets liés à une hypothèse, dont j'espère qu'elle se réalise, celle des JO en 2012. Mais quand bien même elle ne se finaliserait pas, les projets seraient lancés : Paris doit vivre aussi à cette heure de l'urbanisme de l'événement, du prétexte.

Quel rôle joue l'architecture dans un projet urbain ?

Primordial. Mais il faut savoir concevoir de l'architecture et de l'ordinaire. On sait fabriquer des grands monuments, des icônes, des «landmarks» (marqueurs de site, littéralement), mais il est plus facile de faire un arc de triomphe qu'une rue et il faut les deux. Il me paraît obligatoire qu'un projet, par exemple celui des Halles, offre une civilité ordinaire et en même temps de l'extraordinaire. Si elle se reproduit sur elle-même, la ville risque de devenir une sorte de musée vernaculaire pour les populations touristiques, qui serait l'équivalent des fonds de retraite dans le domaine de l'urbanisme. On le constate à Prague, envahie par un tourisme qui confine la ville européenne à un conservatoire. Il faut organiser le vivre ensemble, l'urbanisme, et en même temps participer à une histoire des formes et des figures qui nous est contemporaine.

Ce qu'on voit partout ailleurs ?

Londres accueille des tours extraordinaires. J'espère que Paris va s'y mettre : la frilosité parisienne est regrettable. On a connu Chirac à Paris, qui voulait une architecture qui sente la frite. Peut-être était-ce un partage de valeurs, mais peut-être aussi qu'on peut partager autre chose que l'odeur des frites. Ce qui nous ramène aux Halles. Les premiers projets de Baltard étaient en ciment et c'est Napoléon III, qui lui a dit : du métal, du verre... Il a stimulé l'architecte. Je souhaite que les maires d'aujourd'hui soient aussi inventifs et aventureux.

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Des villes européennes en pleine effervescence urbaine

Milan mais aussi Birmingham, Barcelone ou Oslo affichent de grands projets contemporains.

Par Elisabeth LEBOVICI

 

un chapiteau de cirque multicolore est dressé sur le rond-point Schuman à Bruxelles, en septembre 2004. L'agence néerlandaise OMA de Rem Koolhaas l'a édifié à la demande de la Commission européenne. A l'intérieur, un vaste panorama montre l'évolution chronologique de l'Europe «depuis la dérive des plaques continentales à nos jours». Mis au défi de conduire une recherche en «communication d'images» et de formuler des représentations européennes communes, Rem Koolhaas et son équipe ont ici retourné la commande en un dispositif critique. Pas neutre, le choix de la tente de cirque et du panorama, un vieux modèle d'exposition du XIXe siècle. Loin de la vision unitaire recherchée dans ce type de démonstration, apparaît ici le monde fragmenté d'une Europe en «déficit d'image», vouée à rester sans iconographie unique. Le chapiteau est démonté avant la date prévue.

Petites villes. Sans doute, l'Europe communique mieux à ses niveaux infranationaux qu'à celui de ses Etats. C'est même par un effacement de l'Etat que se caractérisent les échanges, qui passent par les villes et influencent leurs destinées économiques et culturelles. Ainsi évoque-t-on aujourd'hui le retour des villes européennes, «on ne dit plus que la ville européenne est obsolète, qu'elle relève de la nostalgie ou du patrimoine, que l'efficacité économique est ailleurs». (1) L'urbanisme européen reprend du poil de la bête, non seulement via ses capitales, mais aussi par beaucoup de ses villes, petites et moyennes, comme Lérida, Tubingen, Birmingham (avec l'impact du grand magasin Selfridges, conçu par Future Systems) ou grandes, comme Rotterdam, dont le centre ferroviaire a été confié à l'urbaniste anglais Will Alsop.

C'est aussi le cas de certaines villes italiennes. Turin est un chantier à grande vitesse, qui depuis l'approbation de son plan d'urbanisme spécial JO en 1995, tente de modifier l'habituel binôme des villes (résidences-équipements) pour des opérations associant public et privé, dans la quête d'une qualité urbaine globale. A Milan, la réouverture toute récente de la Scala, par l'architecte suisse Mario Botta, n'était que le prélude à une salve de spéculations urbaines. En sus du projet de requalification de la foire de Milan, confié aux architectes Daniel Libeskind et Zaha Hadid, à la conception du nouveau siège de la région Lombardie, par Ieoh Ming Pei et Henry Cobb, sir Norman Foster devrait construire un futur quartier, Santa Giulia sur 120 hectares de friches industrielles. A Milan, au total, dix-huit projets publics et privés d'architectes du monde entier représentent une surface de 8 millions de m2. A Rome, où Zaha Hadid conçoit le nouveau musée d'art moderne, la foire s'offre un nouveau quartier d'exposition près de l'aéroport de Fiumicino : le Studio Valle Progettazioni, avec ses 22 pavillons et son centre de direction.

Banane bleue. Jusqu'en novembre, était exposé au Pavillon de l'Arsenal, à Paris, le must des grands projets milanais. D'aucuns relevaient alors «l'ambiance de promotion immobilière contemporaine» qui y régnait. En effet, la ville lombarde est une composante essentielle de la «banane bleue», cette conurbation (de forme banane), visible par satellite, où courent les projets de création architecturaux, depuis Londres jusqu'à l'Italie, via la Belgique, l'Allemagne, la Suisse, et l'Autriche.

Certains évoquent une autre comète innovatrice en matière d'urbanisme citoyen, qui passerait par Barcelone (modèle pour les maires européens), par le nouveau dynamisme portugais, et filerait vers le nord du côté de la Norvège et d'Oslo, avec la firme architecturale Snohetta. Il serait dommage que Paris soit l'une des seules exceptions à ces ambitions urbaines.(1) Dossier Villes européennes, quels modèles ?, revue Urbanisme, nov.-déc. 2004.