Le Monde (02/06/04)

 

L'épineux projet de réaménagement du Forum des Halles

Les Parisiens se sont penchés avec passion sur les maquettes des quatre concurrents exposées : 60 000 s'y sont pressés et plus de 7 000 ont donné leurs avis en remplissant un questionnaire mis à leur disposition.

Le choix final entre quatre grands noms de l'architecture internationale pour imaginer la refonte totale du Forum des Halles, au cœur de Paris, qui devait être rendu en juin, a été reporté à l'automne, a-t-on appris mardi 1er juin à l'Hôtel de Ville. La mairie veut mettre à profit ce délai pour demander un surcroît d'informations aux quatre équipes en lice dans ce dossier aussi considérable que complexe.

Ces demandes seront adressées aux deux compétiteurs français, David Mangin et Jean Nouvel, et aux deux Néerlandais, Rem Koolhas et Winy Maas. Elles permettront d'éclairer la décision que devait arrêter le 24 juin la commission d'appel d'offres de la Ville et qu'elle prendra "au début de l'automne". Il lui faudra trancher entre les "flacons" colorés dont Koolhas
sème ces 10 hectares, la mosaïque de verre et verdure imaginée par Maas, le toit cyclopéen dessiné par Mangin et le "Palais-Royal" avec prairie dans le ciel de Nouvel.

Le choix est particulièrement épineux puisqu'il dessinera le visage de la "première porte" de la capitale française, à la fois nœud de transports qu'empruntent, en sous-sol, 800 000 personnes par jour, respiration au cœur de Paris avec son jardin de 4 hectares, et hyperactif centre commercial (180 boutiques, 41 millions de visiteurs par an).


"SAVOIR PRENDRE DES RISQUES"

Peu après son élection au fauteuil de maire de Paris, en 2001, le socialiste Bertrand Delanoë avait manifesté sa volonté de repenser l'aménagement de ce vaste espace construit dans les années 1970 à la place des historiques halles alimentaires. Selon lui et de nombreux experts, cet "environnement bétonné, grandiloquent et sans âme" représente un concentré de problèmes urbains : sécurité, circulation automobile, manque de commerces de proximité...

"C'est trop symbolique du centre de Paris pour qu'on se plante", avait averti le maire de Paris, en dévoilant, le 7 avril, les projets retenus. Il avait mis en avant les enjeux commerciaux et de vie quotidienne, pas faciles à concilier, et appelé à "savoir prendre des risques", tout en gardant à l'esprit qu'il s'agirait d'un "geste international et durable".

Les Parisiens se sont penchés avec passion sur les maquettes des quatre concurrents exposées : 60 000 s'y sont pressés et plus de 7 000 ont donné leurs avis en remplissant un questionnaire mis à leur disposition.  

Les plus motivés ont été les riverains, qui ont multiplié démonstrations de rue avec ballons simulant les hauteurs des projets, tracts et discussions Internet. Les associations (d'ailleurs pas d'accord entre elles) ont su se faire entendre, même si, glisse un élu, certaines comptent moins de cent adhérents...

ÉVOLUTION OBLIGATOIRE

Les partis parisiens avaient observé un silence prudent. L'UMP en est sortie en demandant un référendum, la question du réaménagement des Halles méritant, à ses yeux, d'être posée à l'échelle de la ville. Juridiquement impossible puisqu'une consultation sur appel d'offres est en cours, répond-on à la Mairie de Paris.

Les Verts feront connaître lundi, non pas leur choix, mais leurs critères, notamment concernant le "développement durable". Des critères qui, à leurs yeux, éliminent de facto deux des quatre projets. Le PS-Paris, qui souhaite une présentation des plans dans les vingt arrondissements, pourrait faire in fine connaître une préférence, selon Patrick Bloche, son premier secrétaire.

Nombre de personnes proches du dossier estiment que le débat se focalisera sur Koolhas, Mangin et Nouvel, l'ambitieux "tapis persan" ou "vitrail à plat" de Maas posant de sérieux défis techniques.

Deux certitudes : aucun des quatre plans ne s'est imposé de manière éclatante et aucun ne sera retenu tel quel. Quel que soit le choix, il devra évoluer.

Avec AFP