Le Monde (17/02/05)

 

ARCHITECTURE
David Mangin défend son projet pour le quartier parisien des Halles
LE MONDE | 16.02.05 | 15h56
Assailli de critiques, l'architecte s'est employé lundi, à l'Arsenal, à
faire partager sa vision
Après des mois d'invectives, l'explication était attendue. L'architecte
et urbaniste David Mangin défendait, lundi 14 février, son projet de
réaménagement du quartier des Halles. Elus, architectes, curieux,
étudiants, plusieurs centaines d'auditeurs se massaient dans le Pavillon
de l'Arsenal, à Paris, pour écouter celui qui est devenu l'un des
architectes les plus vilipendés inscrits au tableau de l'ordre.

Le choix, le 15 décembre 2004, du projet de l'agence Seura de David
Mangin au détriment des stars Jean Nouvel et Rem Koolhaas - Winy Maas
avait déjà plus ou moins jeté l'éponge - avait suscité une vague de
protestations de la part de ceux qui le jugent fade ou trop classique
(Le Monde du 17 décembre 2004).

Le soir même, au "20 heures" de France 2, l'architecte Patrick Bouchain
dénonçait un "choix de vieux, de vieux con", tandis qu'une lettre
ouverte, signée notamment par l'anthropologue Marc Augé et l'architecte
Claude Parent, exhortait les conseillers de Paris à ne pas commettre
"l'erreur historique" d'avaliser "une proposition pour les Halles dont
la médiocrité ridiculise Paris".

Peut-être pour rendre aux enjeux leur juste proportion, David Mangin a
commencé par lire un hommage à la journaliste de Libération Florence
Aubenas, disparue à Bagdad depuis le 5 janvier. "Une amie, a-t-il dit.
Si elle était là ce soir, elle pourrait répondre à ceux qui croient que
les Halles peuvent être le prétexte à une guerre civile. Elle sait ce
que ces mots-là veulent dire."

A grand renfort de plans, de vues aériennes, de graphismes, M. Mangin
s'est employé à expliquer son projet, à faire partager sa vision d'un
jardin parcouru par des allées piétonnes, qui relierait la Bourse du
commerce ouverte à des équipements publics et un centre commercial de
grande profondeur surmonté d'un vaste toit ajouré à 9 mètres du sol. Le
tout au-dessus d'une gare RER plus humaine. Un projet que l'architecte
ne réalisera qu'en partie, puisque la Ville veut soumettre la
réalisation du Carreau à un nouveau concours international.

"Bien sûr que j'aimerais faire le Carreau moi-même, mais avec le temps
on s'habitue à tout... Je vais réaliser le jardin et les infrastructures
comme les tunnels. Je suis chargé de la coordination urbaine, de la
création d'une zone d'aménagement concerté, de définir un programme, a
détaillé l'architecte. Et je vais établir le cahier des charges du
concours international d'architecture (...). Vous pourrez alors tous
vous remettre à donner votre avis."

Les interventions du public ont été plutôt sages ; M. Mangin, lui, a
critiqué la procédure de marché de définition suivie par la Ville pour
désigner un lauréat : "C'est un mode de concours qui ne réussit pas à
créer un dialogue avec le client maître d'ouvrage. Les concurrents font
comme si c'était une partie de poker et le maître d'ouvrage comme s'il
s'agissait d'un "Loft Story" entre les candidats." Et a donné ce conseil
à ses confrères : "Faites comme moi, ayez une sour psychanalyste qui
vous prévient que ça sera long et qu'il faudra être patient..."


Grégoire Allix

. ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 17.02.05