URBANISME
Le quartier parisien va être totalement remanié, en surface comme en sous-sol : une opération sensible pilotée par la Mairie de Paris .
 
Quatre projets audacieux pour les Halles
On va «dynamiter» les Halles. A nouveau. Il y a une trentaine d'années, on faisait table rase des pavillons de Baltard et du passé de ce cœur nourricier de Paris. Depuis, ce quartier à haute fréquentation balançait entre dysfonctionnements et mauvaise réputation. La Mairie de Paris entend donc réaménager profondément ce site qui abrite un très grand centre commercial, une des principales gares de transports urbains de la capitale et des habitations. Hier, les projets proposés par quatre équipes d'architectes, retenues au terme d'un appel d'offres européen ont été rendus publics. Ces quatre visions très différentes, parfois saisissantes, de ce quartier témoignent plus d'états d'esprit que de schémas directement applicables, mais elles ne manqueront pas de provoquer de riches, quoique difficiles, discussions. Bertrand Delanoë s'y attend. «Je n'ai pas peur du débat, remarque-t-il. Tout en tempérant, je n'ai pas l'intention d'imposer un nouveau traumatisme à ce quartier.» La décision devrait être prise à la fin juin.

Marie-Douce Albert et Éric Biétry-Rivierre
[08 avril 2004]

* Ramblas

«Nous n'avons pas voulu imaginer un hypercentre.» Le projet, assez modeste, de David Mangin tente au contraire d'irriguer la périphérie en réduisant les ruptures urbaines actuelles tels que l'accès à la Seine et l'axe est-ouest. Précisément, il s'agit de mieux relier les Halles au Louvre, au Palais-Royal, au quartier Beaubourg et à la place des Vosges. Sur place, pas
de monuments supplémentaires mais une bourse du commerce revalorisée avec restaurant panoramique et centre de mode et du design. A l'autre extrémité, le Forum serait couvert par un toit de cuivre et de verre de 145 x 145 m, haut de neuf mètres. Il est censé révéler le «puits» de la galerie commerciale éclairée de l'intérieur. Ce toit «fera événement» la nuit et
servira de «pendant contemporain aux passages couverts du centre de la capitale». Entre la Bourse et le Forum, une allée large de 22 mètres, à l'image des ramblas espagnoles, a été dessinée, bordée de quatre hectares de jardins. Autre point fort : en sous-sol, une quinzaine de phases de chantier se succéderaient entre 2007 et 2012, permettant le maintien d'une partie des usages. Quant à la gare, elle serait simplifiée : deux salles sur deux niveaux. Soit plus d'espace et plus de lumière.  

* «Dancefloor»

Très glamour le projet de Winy Maas. L'architecte hollandais préconise un «vitrail», sorte de grand plancher de «verre coloré et de vert» couvrant toute la surface du site et éclairé en dessous de lumières différentes. Ce «vitrail» serait agrémenté de multiples «espaces de jardins» légèrement surélevés en podiums : bois, pelouse rosée, labyrinthe, jardins d'enfants,
orangerie, skate park, coussin d'herbe, jeux de boules, patio de palmiers, jardin trampoline, etc. Un marché alimentaire renaîtrait en outre sur ces Halles translucides et des arbres sur mâts, baptisés «arbres-Dali», signaleraient les points importants du quartier. En attendant autre chose ?  «Peut-être un jour les prochaines générations voudront ériger une autre tour
Eiffel sur ce dancefloor, tout est possible», philosophe le créateur. En attendant, «il s'agit d'une nouvelle fenêtre sur Paris, il faut ouvrir au maximum ces catacombes claustrophobes». En marchant sur les vitres colorées de Maas, on pourrait alors «observer toutes les richesses actuelles des Halles» et «révéler une cathédrale qui descend jusqu'aux quais du RER, à 35 mètres de profondeur». La salle d'échanges serait pour sa part convertie en une série de ponts et de passerelles permettant de clarifier les lieux.  

* Tapis volant

Jean Nouvel insiste, son équipe a élaboré «un projet pour Paris». Jardins, halles et places, tout y est, déclinés dans toutes les tailles. Le projet de l'architecte star propose ainsi des espaces verts «hérités de la grande tradition» de la capitale, avec tout d'abord un jardin qui «s'étend sans entrave de l'ancien Forum à la halle au Blé». Mais la nature colonise jusqu'aux toits des bâtiments. L'Atelier Jean Nouvel (AJN) a ainsi conçu «un tapis volant», une terrasse plantée donnant sur le centre Georges-Pompidou et l'église Saint-Eustache. Ce jardin suspendu prospérerait à une hauteur de 27 mètres, au sommet d'une grande halle qui s'élèverait à la place de feu l'immeuble aux parapluies. Ce grand «carreau des Halles» serait habité par des commerces et des activités et animé notamment par une «place des images», définie comme «un équipement culturel de rue». Et comme «plus que jamais, il s'agit des Halles», viendraient s'ajouter sur le site d'autres bâtiments tels qu'une mini-halle des enfants ou une halle du marché où bouchers, charcutiers et autres poissonniers rappelleraient le bon temps.
Enfin, le programme prévoit des équipements promis comme «les plus enviables» de Paris, tels qu'un conservatoire ou une piscine.

* Tourelles

Surprenante vision que celle des Halles revisitées par OMA et Rem Koolhaas. L'équipe réunie autour de la vedette néerlandaise de l'architecture a imaginé de faire pousser de drôles de tourelles dans un vaste jardin. Elles sont décrites comme des «bouteilles de parfum toutes différentes mais recevant chacune un traitement précieux et une identité forte». Elles peuvent aussi évoquer d'étranges derricks translucides, aux couleurs parfois acidulées de sucettes.

Ces hauteurs, comprises entre 25 et 37 mètres, et un mélange plus général de volumes et de vides sont, pour les concepteurs de ce quatrième projet, un moyen d'en finir avec le divorce entre la surface et les sous-sols. Le jardin ponctué de «micro territoires thématiques» - tels que le «cercle des jardiniers», les «jardins d'humidité» ou encore le «cercle des petits» - se
chargerait alors de faire le lien entre les tourelles et les espaces souterrains. Pour Rem Koolhaas et son équipe, ce programme fait d'une multitude de volumes différents dans leurs formes et leurs usages veut éviter de tomber dans le piège du «grand» projet, «en finir avec le temps des grands gestes». Mais, ces tours peut-être déroutantes pourraient aussi faire l'objet des plus vifs débats.