Le Figaro (16/12/04)

 

URBANISME La Ville de Paris a désigné hier l'architecte qui coordonnera le réaménagement de son centre

De l'avis de tous, il est urgent de traiter les nombreux problèmes de sécurité, de vieillissement et d'engorgement patents dans ce coeur souterrain de la capitale.
(Photo François Bouchon/Le Figaro.)

David Mangin au pied des Halles
M.-D. A. Marie-Douce Albert
[16 décembre 2004]

La rumeur était persistante. Elle n'avait pas tort. Depuis plusieurs jours, on donnait David Mangin comme le grand gagnant des Halles devant trois autres candidats. Et surtout devant deux pointures de l'architecture mondiale, le Français Jean Nouvel et le Hollandais Rem Koolhaas. Hier matin, cet outsider parisien, ce méconnu, leur a soufflé le cœur de Paris. Dans le cadre d'une étude de définition, la commission d'appel d'offres a désigné David Mangin par quatre voix (de gauche) contre deux voix (de droite).

Aussitôt, l'élu UMP Michel Bulté s'est énervé, estimant que les élus de la majorité étaient arrivés avec leur consigne de vote sous le bras: «Le projet était ficelé d'avance. D'ailleurs le discours du maire était déjà prêt.» Un observateur assurait, lui, que les débats avaient été «très professionnels, très sérieux».

Cette étape franchie, venait le temps du commentaire du maire. Lors d'une conférence de presse qui a fait salle comble, Bertrand Delanoë a soigneusement ménagé ses effets en brossant à grands traits le portrait et l'histoire du site avant de livrer, au bout d'un quart d'heure, officiellement le nom du lauréat. Et avant de préciser quelle serait sa mission et, par définition, les limites de celle-ci. Certes, David Mangin aura la charge, importante, de coordonner le chantier des Halles. En revanche, un autre architecte sera désigné pour réaliser le futur bâtiment destiné à surplomber le centre commercial que le maire de Paris rêve comme une «œuvre d'art architecturale du XXIe siècle».

La Ville estime donc n'être qu'au début de l'aventure. Elle n'a peut-être aussi goûté jusqu'ici qu'à une amorce de polémique. Depuis des mois, le futur réaménagement a largement alimenté les conversations et passionné les foules, mais aujourd'hui ce choix de David Mangin pourrait être mal perçu par tous ceux qui espéraient plus d'ambition architecturale. Si les projets de Winy Maas et de Jean Nouvel semblaient hors course, beaucoup, et notamment des grands noms de l'architecture comme Christian de Portzamparc, s'étaient mobilisés pour soutenir le projet de Rem Koolhaas.

Pour l'opposition municipale, l'exécutif s'est surtout fourvoyé dans la méthode et s'est trompé de priorité pour Paris. Reste que la capitale a le temps de voir venir, la procédure sera longue et le chantier ne commencera, au mieux, qu'en 2006. D'ici là, elle aura fait connaissance avec David Mangin. Jusqu'alors plutôt connu pour des interventions sans emphase sur le tissu urbain, celui-ci pourrait avec ce dossier gagner une célébrité internationale.

 

 

Un choix très raisonnable…
[16 décembre 2004]

Voilà sans doute une maquette qu'il faudra oublier. Quel paradoxe ! Il s'agit pourtant là du projet qui vient de donner la victoire à David Mangin et à son équipe, Seura. Mais, si cet architecte parisien l'a emporté sur ses trois concurrents, il ne pourra pas appliquer à la lettre son plan pour le réaménagement des Halles. A l'issue d'une réunion de la commission d'appel d'offres (CAO), la mairie de Paris a annoncé hier qu'il ne serait que le «coordonnateur» du renouveau du site. On vient ainsi de le charger de la stratégie urbaine.


Le dessin, la touche artistique, on les confiera à quelqu'un d'autre. La mairie a en effet précisé qu'un concours international d'architecture sera lancé pour la réalisation du Carreau qui couvrira le Forum. En somme, ceux qui s'attendaient hier matin, après avoir passé des mois penchés sur les quatre projets en lice, à découvrir le futur visage des Halles en ont été pour leurs frais. Bertrand Delanoë leur a rétorqué : «Nous ne sommes pas à l'aboutissement de ce dossier mais au point de départ.»

Le début de l'histoire est tout de même déjà ancien. Il commence aux Halles : 800 000 voyageurs du métro et du RER chaque jour et 41 millions de personnes fréquentant chaque année le centre commercial. Surtout, un mélange de décrépitude, de délinquance, de manque de sécurité et de lumière. Il est de notoriété publique que le coeur de Paris ne vaut guère mieux qu'un cloaque.


En décembre 2002, le Conseil de Paris enclenche donc la procédure devant permettre le réaménagement. Le 7 avril dernier, quatre grandes maquettes sont présentées dans un salon tout en dorures de l'Hôtel de Ville. Là sont mis en présence le grand podium psychédélique des Néerlandais de MVRDV, l'équipe de Winy Maas, les jardins suspendus de l'imposant projet de la star française Jean Nouvel, les derricks translucides de l'autre vedette, néerlandaise cette fois, Rem Koolhaas et, donc, le grand jardin et le vaste toit carré de David Mangin. Beaucoup s'étonnent alors de l'ampleur de ces propositions. Personne n'avait imaginé si gros chantiers.


Dès lors, les Halles deviennent un véritable sujet de conversation. A la surprise générale, l'exposition des quatre maquettes attire 125 000 visiteurs en quelques mois. Et la polémique n'étant jamais très loin du débat, on se met à critiquer les atermoiements de la municipalité qui a décidé de reporter son choix de quelques mois ou encore on s'interroge sur cette procédure des études de définition. Nouvelle, elle permet de demander à des équipes d'imaginer à la fois un projet et un programme, bref d'élaborer une philosophie tout en poursuivant le dialogue avec les décideurs.


L'architecte Patrick Bouchain défend ce système qui «permet une mise en concurrence sans pour autant tomber dans la loterie». Mais il estime que la tactique parisienne n'a pas été la bonne : «L'erreur de Delanoë a été qu'au lieu de dialoguer pendant l'élaboration des projets, on a discuté après leur présentation. Et ça c'est de la démagogie. Aujourd'hui est un jour noir pour l'architecture parce que la Ville a choisi le projet le plus souple mais c'est aussi le plus mauvais.»


Cette image déplorable a collé d'emblée au projet Mangin. On lui a toujours reproché son manque d'ambition. Pour beaucoup, son grand jardin partant de la Bourse du Commerce pour arriver au pied d'un grand passage couvert coiffé d'un toit vaste comme la place des Vosges, c'était le manque d'imagination au pouvoir, le «consensus mou». Certaines associations de riverains l'encensaient parce qu'il répondait le mieux à leurs attentes, ses adversaires le fustigeaient justement pour cette façon qu'il avait de vouloir contenter tout le monde.

Seulement voilà, selon le rapport technique remis exclusivement aux membres de la CAO, Jean Nouvel densifiait beaucoup trop, Winy Maas avait une idée «spectaculaire» mais à la faisabilité douteuse et Koolhaas imaginait des volumes vitrés difficilement logeables et plus généralement un projet dont la mise en oeuvre n'était guère compatible avec le maintien de l'activité du Forum. Alors, si Mangin n'offrait pas la voie la plus formellement séduisante, on l'a présenté comme le plus raisonnable. Y compris en termes financiers puisque le prix de base pour la réalisation de son projet a été estimé, selon la mairie, à 200 M€ contre 300 pour Nouvel et Maas et 400 pour Koolhaas. «Mais cela ne m'a pas influencé», a juré hier Bertrand Delanoë.

Pour le maire, Mangin est en fait le choix combiné de «l'audace et de la raison». En somme, «la conception d'aménagement et l'analyse la plus pertinentes». Il précise : «Nous faisons le choix de remettre ce quartier en lien avec le reste de Paris, de remettre de la perspective, et de redonner de l'espace à l'ensemble, notamment avec un jardin d'un seul tenant.»

Mais, si bien organisées soient-elles, les Halles selon Mangin manquent apparemment de piment, même aux yeux de ceux qui les ont choisies. Voilà pourquoi pour relever un peu l'ensemble, on devrait agrémenter le jardin d'interventions d'art contemporain, demander à des designers d'imaginer le mobilier urbain et surtout, donc, désigner un autre architecte pour construire le bâtiment qui couvrira le Forum à partir d'un cahier des charges à l'élaboration duquel participera David Mangin. Le fameux toit carré en cuivre et lumière qu'il avait dessiné est donc à mettre lui aussi au rang des idées perdues. Voilà qui faisait dire hier à Jean-François Legaret, maire UMP du Ier arrondissement et membre de la CAO : «C'est la première fois que l'on désigne un architecte pour qu'il ne fasse pas son projet. En fait, ceci est un marché infructueux que l'on maquille, une supercherie.»

David Mangin, lui, était évidemment ravi d'avoir remporté son pari «d'un projet audacieux et pérenne pour relever la foule, les flux et la lumière avec un dispositif très simple». Il va devoir maintenant se mettre au travail. Et pour longtemps. Car, pour mener à bien la mue, la Ville va vraiment se lancer dans une procédure de longue haleine.

Il faudra notamment créer une nouvelle zone d'aménagement concerté (ZAC). Alors, à quand l'achèvement des nouvelles Halles ? «De toute façon largement avant 2012, qu'on remporte les Jeux ou pas», assure Bertrand Delanoë.

Mais les mauvaises langues glissent que si Paris était vraiment désigné pour accueillir les olympiades, les Halles pourraient devenir le cadet de ses soucis.

 

 

Inconnu du grand public il y a peu, l'architecte a beaucoup travaillé sur la capitale
Un penseur discret de la ville


M.-D. A.
[16 décembre 2004]


Le nouveau fort des Halles, ce sera donc lui. Comme un Atlas des temps modernes, David Mangin s'apprête à prendre sur ses épaules un monde fourmillant et désordonné où la trajectoire compliquée de centaines de milliers de voyageurs quotidiens du métro et du RER croise celle de millions de consommateurs qui arpentent à longueur d'années le centre commercial ou côtoie quelques grosses poignées de riverains. Mais David Mangin, à la ville, paraît à son affaire.


Il y a quelques mois encore, le public n'avait quasiment jamais entendu son nom. Il n'est pourtant pas né avec son projet pour le réaménagement des Halles. Ce Parisien de 55 ans, diplômé d'architecture en 1976, a d'abord travaillé aux côtés de Ciriani avant de rejoindre en 1983 cette société (Seura) dont il est l'un des associés. Avec elle, il a réalisé entre autres à Paris, la rénovation de la gare Denfert-Rochereau ou encore des immeubles de logements dans le quartier Montsouris et travaille aujourd'hui sur l'arrivée de l'autoroute 7 à Marseille. En 1994, avec Jacqueline Osty, il transforme la promenade du boulevard Richard-Lenoir en rivière de verdure. Le réaménagement est sans esbroufe mais certains en goûtent toujours «le raffinement». David Mangin, plutôt spécialiste de l'espace public, n'est donc ni un façonneur de monument ni un homme de «showbiz, estime un observateur. Quand il finit un chantier il ne convoque pas la presse. En revanche, il est connu dans le milieu intellectuel comme un urbain».


Ce professionnel, dont on dit aussi qu'il compte beaucoup dans l'enseignement, a placé au coeur de sa réflexion la cité, son étalement, ses périphéries, la recomposition de ces territoires qui ne sont pas encore la ville et plus tout à fait la campagne. Déjà auteur, avec Philippe Panerai de Projet Urbain en 1991 ainsi que de diverses tribunes dans la presse, il a cette année consacré à ces questions un pavé savant, La Ville franchisée (1). Le titre évoque autant ces marques, toujours et partout les mêmes, qui s'affichent au centre comme aux abords des villes qu'aux «territoires franchisés d'aujourd'hui», ceux «de grandes entreprises privées ou publiques, gardés, accessibles seulement sous conditions». A Paris aussi, il a regardé d'un oeil circonspect l'apparition de zones «à part» comme peuvent l'être les Quartiers verts. «Ils pourraient à terme renforcer un communautarisme local et créer des quartier tranquilles qui deviendraient des quartiers fossiles», explique-t-il en juillet 2002 dans Libération. Mais il prend bien garde d'ajouter que ce n'est pas là une attaque contre les «bobos» et avoue : «J'en suis un.»


David Mangin serait donc plus urbaniste qu'architecte. D'ailleurs, on a beaucoup dénigré son dessein pour les Halles. Trop banal, consensuel. Trop «plan plan». Son face à face avec le Néerlandais Rem Koolhaas, l'autre grand favori de la compétition, a souvent été interprété comme une nouvelle bataille des anciens et des modernes. Lui n'a pas très bien vécu de tenir, dans ce psychodrame, le rôle du «classique». «Il y a d'autres enjeux, répétait-il. Et mon projet, avec tout ce travail sur la lumière, est aussi moderne.»


Il y a quelques mois, voyant le débat qui enflait, il ironisait, paraphrasant une pique de Godard au sujet des critiques de cinéma : «Tout le monde a deux métiers, le sien et celui de critique d'architecture. C'est assez comique.» Finalement, à en croire un autre spécialiste, proche de la mairie, «le choisir n'est pas choisir de l'architecture, mais cela laisse la porte ouverte à l'architecture». Façon de dire sans doute qu'il pourra faire un bon chef d'orchestre pour ce grand chantier.


(1) La Ville franchisée, formes et structures de la ville contemporaine aux Éditions de la Villette. David Mangin dédicacera son livre samedi à 17 h à la Maison de l'architecture d'Ile-de-France à Paris (Xe) dans le cadre du Forum du livre d'architecture. Tél. 01.53.26.10.60.

 

 

URBANISME Les Halles font l'objet d'un intense débat au Conseil de Paris, et jusque dans les médias étrangers
La droite parisienne redoute un projet pharaonique


Eric Biétry-Rivierre
[16 décembre 2004]


Etait-il utile de rouvrir le dossier des Halles ? Depuis la présentation des quatre maquettes sélectionnées pour la compétition finale le 7 avril dernier, les élus au Conseil de Paris ont, tous, pris conscience de l'utilité qu'il y a à traiter les nombreux problèmes de sécurité, de vieillissement et d'engorgement patents dans ce coeur souterrain de la capitale. Pour autant, y avait-il urgence et quid de la méthode ? Celle-ci déplaît. «En laissant imaginer, au moins sur le papier, un projet pharaonique dont le coût n'est pas pensé mais qui promet d'être lourd, Delanoë a fait preuve de légèreté et d'improvisation. Sa mécanique va dans l'impasse», prophétisait mardi le président de l'UDF Paris, Yves Galland.


«Au secours, le trou des Halles revient ! Dix ans de chantier dans un coin déjà fortement abîmé, s'alarmait également son homologue UMP Claude Goasguen. Plutôt que de répondre à la crise du logement que subissent les classes moyennes ici – un travail moins glorieux mais plus utile –, Delanoë s'est lancé dans une politique tape-à-l'oeil et dispendieuse : au moins 200 millions d'euros à prévoir au départ, et le double à payer à l'arrivée.»


Yves Galland pense également que les priorités sont autres : «Ce qu'il faudrait, à Paris, c'est par exemple moderniser les services de propreté ou la circulation. Et en matière d'urbanisme censé améliorer notre image internationale, pourquoi ne pas s'être plutôt penché sur la couverture des emprises ferroviaires qui sont des percées défigurant la ville, ou bien transformer le Palais Brongniart en centre multimédia européen ?»


Reste que la droite parisienne est entrée dans le débat. Opposée à une remise à plat totale des Halles, elle souhaite tout de même que l'on améliore cette principale entrée de Paris. Pour tenter de reprendre la main, elle avait proposé cet été un référendum sur l'avenir du quartier. «Non valable juridiquement», avait coupé la majorité locale. Et Jean-François Legaret de critiquer «la politique du tout ou rien». Le maire UMP du Ier arrondissement attend toujours, par exemple, l'installation sur le site concerné d'un marché alimentaire ou l'implantation d'un kiosque à musique «promis depuis quatre ans». Il redoute également que les nuisances du futur chantier soient mal prises en compte. Comment dédommager les commerçants ou prévenir une baisse d'activité ? Tout repose sur un phasage à définir de façon très précise. L'enjeu est sur ce point de taille. Selon Unibail, propriétaire des bâtiments jusqu'en 2055 et «pro-Mangin», le chiffre d'affaires du Forum a été de 477 M€ l'an dernier, ce qui fait de ce centre, pour l'instant, l'un des cinq plus rentables en France.


Autrement, en tant que coprésident du comité de pilotage, Jean-François Legaret est favorable à la fin de la mini-autoroute urbaine qui passe sous les Halles. Elle n'est pas aux normes et trop faiblement utilisée. Enfin, il milite pour une surface bâtie stable, voire en réduction, au profit d'un jardin plus vaste. De ce point de vue, il s'est dit déçu par les propositions.


Du côté des Verts, si tous demandent aussi «un vrai jardin», Yves Contassot défendait «par défaut» Mangin, Christophe Girard adhérait au «grand geste architectural» de Koolhaas et Jean-François Blet jugeait toutes les maquettes «spectaculaires ou aguicheuses». Comme Jacques Boutault, le maire écologiste du IIe, qui renchérissait récemment : «Aucun des quatre projets n'est acceptable en l'état.» Bertrand Delanoë n'a pas dit autre chose depuis la présentation des esquisses. Il avait d'ailleurs choisi une procédure de «marché de définition», simple «concours d'idées» qui laisse une large latitude avant l'élaboration d'un cahier des charges, estimant néanmoins qu'il faudra avec celui-ci «prendre des risques». Auparavant, fort d'une gauche relativement soudée sur ces questions d'aménagement, il entend toujours ménager du temps à la réflexion.


En somme, depuis avril dernier, la question n'a guère été de savoir s'il fallait intervenir mais à quel degré et comment. Et là, on n'a pas fini de s'écharper. Dernier accroc en date, lundi, le PCF Jacques Daguenet protestait contre son «éviction» de la commission d'appel d'offres (CAO). «Même en temps que suppléant j'avais l'autorisation orale de participer au vote. Mais j'ai été éconduit car nous étions favorables au projet Koolhaas et Mangin semblait déjà acquis.» L'existence d'un tel arrangement a été aussitôt et catégoriquement réfutée par le porte-parole du maire, Laurent Fary.

 

 

Un chantier suivi par la presse européenne


[16 décembre 2004]


Paris croyait-il pouvoir garder cette honte pour lui seul ? Les Halles font sale figure, et cela se sait dans le pays entier mais les touristes étrangers tout à leur éblouissement devant le Louvre ou au pied de la tour Eiffel, n'avaient peut-être, eux, rien remarqué. Un coup d'oeil au Financial Times du 17 avril dernier et l'on perd toute illusion : «Pour beaucoup de visiteurs arrivant de l'aéroport, le complexe est l'occasion d'un premier contact fâcheux avec la Ville Lumières.» Et les qualificatifs piochés au fil des pages de la presse étrangère rivalisent de cruauté : «Plaie béante» auquel la Süddeutsche Zeitung compatit, «labyrinthe troglodytique» décrié par le Daily Telegraph, «monstruosité souterraine encrassée» honnie par Newsweek ou «haut lieu de trafic et de délinquance» dénoncée dans La Libre Belgique. Fallait-il en rajouter ? Die Welt donne le coup de grâce : Cette «verrue sur un joli vi sage» est «l'un des pires désastres architecturaux qui aient été commis à Paris».


Est-ce pour cela que le projet de réaménagement des Halles a dépassé le débat parisiono-parisianiste pour faire l'objet, ces derniers mois, d'articles parfois fort substantiels dans les journaux européens ? Ou ceux-ci avaient-ils perçu, comme l'écrivait La Libre Belgique avant même la présentation des quatre projets, que Paris tenait là «une des opérations urbanistiques majeures prévues dans la capitale française ces prochaines années» ?


Toujours est-il que certains d'entre eux ont été, comme les observateurs français, fort surpris de voir la capitale tellement soucieuse de ce «mal de ventre». Constatant l'affluence à la présentation au public des maquettes, Expresso (journal portugais) s'étonne : «Personne n'aurait imaginé qu'une petite exposition de quatre projets de réhabilitation d'un quartier de Paris aurait causé autant d'intérêt, d'attention et de polémique.»


D'autres journaux décor tiquent, eux aussi, les quatre projets. Parfois sans pitié comme la Süddeutsche Zeitung. «Aucun des quatre projets présentés n'est convaincant», assène le rédacteur. Les flacons de Koolhaas ne seraient cer tainement qu'un rappel de «l'amour que beaucoup de Français portent à cette sorte de design Mickey Mouse». Il ne faut pas chercher plus d'optimisme dans les pages du Handelsblatt : «Il semble douteux que les projets de ces stars de l'architecture puissent apporter quelque aide que ce soit. Ils sont d'abord là pour jeter de la poudre aux yeux architecturale».


Les Britanniques, eux, jouent l'analyse politique, examinent les ambitions de Bertrand Delanoë, ironisent sur sa volonté de vouloir bouleverser ce qui avait été édifié par Jacques Chirac. Pour le Financial Times, le maire de Paris prend sans doute l'un des plus gros risques de sa carrière mais le jeu en vaudrait la chandelle car, le quotidien anglais croit pouvoir l'affirmer, «en France, des projets architecturaux réussis peuvent garantir un succès électoral».