France 3.fr (15/12/04)

 

Architecture

 

Les Halles: Mangin emporte le morceau

- Maquette du projet de réaménagement des Halles par l'architecte David Mangin 
 - AFP/PIERRE ANDRIEU -


Maquette du projet de réaménagement des Halles par l'architecte David Mangin - AFP/PIERRE ANDRIEU

Le projet de l'architecte français David Mangin a finalement été retenu pour le réaménagement des Halles de Paris

Bertrand Delanoë l'a annoncé mercredi, en précisant que se tiendra un concours à part pour la réalisation du nouveau forum et notamment pour son toit qui devra être "une oeuvre d'art". 

Avec Mangin, le maire socialiste a donc choisi un projet classique et mesuré, souhaité notamment par les riverains et le puissant lobby des commerçants du forum.

Le projet Mangin est "intelligent et réaliste", a dit le maire en parlant  d'un "choix enthousiaste, de raison et d'audace en même temps". Selon lui,  "c'est la vision la plus pertinente de l'ensemble de l'aménagement".

L'architecte avait dessiné un jardin d'un seul tenant percé de "ramblas" comme à Barcelone et un toit géant de deux hectares recouvrant le forum. Mais tout en gardant le principe d'un "carreau" peu élevé, le maire a clairement indiqué que ce toit ne verrait pas le jour tel quel.

M. Delanoë a salué trois qualités du projet Mangin: la "perspective" qu'il redonne; le jardin "qui fera l'objet d'interventions artistiques ephémères ou durables" et deviendra un "jardin d'art paysager contemporain"; et enfin le "carreau", "oeuvre élégante, lumineuse, légère, réellement de l'art du XXIe siècle".

"Mangin sera avec nous pour l'élaboration du cahier des charges", a dit le maire devant plusieurs dizaines de journalistes, dont beaucoup de médias internationaux.
 
Il s'exprimait à l'issue d'une réunion de la commission d'appel d'offres de la Ville, décisionnaire, où le PS est majoritaire. Elle a voté par quatre voix pour Mangin et deux contre (les deux élus UMP).

Selon Bertrand Delanoë, le Conseil de Paris aura "à débattre et à se prononcer",  puisque sera recréée une Zone d'aménagement concertée (ZAC) pour le projet. "La concertation va se poursuivre à travers le processus de la ZAC, nous allons pouvoir prendre notre temps et des décisions mûrement réfléchies", a-t-il  ajouté.

Il a assuré que le tout serait achevé "largement avant 2012, que nous gagnions l'organisation des Jeux olympiques ou non". Jean-Pierre Caffet, adjoint à l'urbanisme, a précisé que les travaux devraient pouvoir commencer en 2006.

Quant au coût de base, il est celui prévu par Mangin, "200 millions  d'euros", ce à quoi il faudrait ajouter les frais induits par le réaménagement du forum et le concours d'architectes.

"Mangin est le moins cher (des quatre projets), mais ce n'est vraiment pas le critère qui m'a influencé", a toutefois précisé M. Delanoë.

Plus grand centre commercial de Paris et plus grande gare d'Europe (800.000 passagers par jour), ce quartier est aussi fantasmé en îlot de verdure par les habitants. Les Franciliens avaient manifesté un grand intérêt au printemps et à l'été en venant voir les quatre maquettes de projets exposées au Forum des Halles. 125.000 personnes s'étaient déplacées et 12.000 avaient donné leur avis par écrit.

 

Laure Narlian
Publié le 15/12 à 21:20

 

David Mangin défend la ville conventionnelle

- David Mangin - F2 -



Né à Paris en 1949, David Mangin est un tenant de la ville conventionnelle et "passante".

Diplômé de l'Ecole d'Architecture de Paris-Belleville, il est pendant trois ans l'assistant d'Henri Ciriani (1978-1981) avant de  militer pour des ateliers publics d'architecture et d'enseigner à l'Ecole d'Architecture de Versailles.

En 1983, il rejoint Florence Bougnoux et Jean-Marc Fritz au sein de l'agence SEURA fondée par Alain Payeur. Dans cette strructure, il réalise les  promenades du boulevard Richard Lenoir à Paris (11e), la rénovation de la gare Denfert-Rochereau (14e) et du marché des Enfants Rouges (3e).

La construction d'un immeuble de logements sociaux à Rosny vaut à cet intellectuel, qui s'inscrit contre toute forme de chaos venant à offenser la ville conventionnelle, de remporter le Palmarès de l'Architecture SCIC AMO, en 1995.

Selon l'architecte et critique Jean-Claude Garcias, "Mangin prend acte du  fait que Paris, c'est le XIXe siècle, que cela plaise ou non. Ce n'est pas un  morceau de Singapour, ou d'une ville qui imposerait une architecture en rupture avec ce qui existe". Une position tranchée.

"Plutôt que d'imposer une modernité +rotterdamienne+ (allusion aux projets décoiffants des candidats néerlandais Rem Koolhaas et Winy Maas), Mangin met du baume sur les plaies des Halles, aménage un grand rectangle orthogonal comme le Palais Royal. Tout en sachant que ce projet est déterminé par les commerces, il  comprend que les habitants sont attachés au jardin", pousuit le critique.

David Mangin, qui a également exercé ses talents à Lille (aménagement de la  place des Buisses), Marseille (requalification de l'entrée de ville Nord),  Bordeaux (rénovation du cours du Chapeau Rouge), enseigne à l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, à l'Ecole d'Architecture de la Ville et des Territoires  de Marne-la-Vallée et au Master of Urban Design de l'Université de Singapour.

Il est l'auteur de nombreux articles et ouvrages, dont le dernier, "La Ville  franchisée" a été publié en mai 2004 (Ed. La Villette). "Ce qualificatif,  dit-il, doit s'entendre dans le sens commercial des villes saisies par les logiques du marketing, mais aussi dans l'acceptation domaniale du terme, à savoir la privatisation progressive d'espaces toujours plus vastes".

Dénonçant ces environnements sécurisés, de moins en moins publics et gratuits, David Mangin défend le principe de la "ville passante et métisse" qui repose notamment sur l'idée d'une moindre dépendance automobile et d'une forte hétérogénéité des architectures.

Mercredi, David Mangin s'est dit "ravi" d'avoir été choisi, même si son idée de toit géant n'a pas été retenue. "La question du toit qui est un grand défi artistique et technologique" et le maire "se laisse la possibilité de le faire de la meilleure façon possible", a-t-il réagit.

Mais a-t-il rappelé, "l'enjeu de cette phase était de désigner un maître d'oeuvre urbain". Ce que rappelle également l'architecte Paul Chemetov: "Il  s'agissait d'un marché de définition et non d'un concours d'architecture et d'image, comme le public l'a cru souvent".

 

Réactions au choix du projet Mangin

- Bertrand Delanoë a choisi un projet mesuré mais néanmoins critiqué -



Jean-François Legaret, maire UMP du 1er arrondissement, a dénoncé "une énorme supercherie", visant à dissimuler selon lui un marché "infructueux".  "Ces projets dépassaient par leur ampleur la question posée. Il aurait fallu les arrêter, on était en face de quatre monstres irréalisables", selon lui.

Georges Sarre, président du groupe MRC au Conseil de Paris : "Le projet  retenu (...) est le plus petit dénominateur commun entre des avis divers. Il répond certes à des besoins incontestables et à une attente immédiate. Mais c'est un choix modeste, qui satisfera davantage des élus Verts que les Parisiens épris d'architecture moderne. Surtout il semble faire l'impasse sur la vie et les flux de population souterrains."

Christophe Girard, adjoint Vert à la Culture au Maire de Paris:
"J'ai plaidé pour Koolhaas,  je n'ai pas réussi à convaincre. J'ai de l'amertume. Mais la bonne nouvelle c'est l'ouverture faite à l'art contemporain par le concours international".

Anne Hidalgo, première adjointe PS au maire de Paris : "La décision prise (...) de demander à Mangin d'assurer la coordination de l'ensemble du projet, en lui faisant confiance sur son parti-pris d'urbanisme et en ajoutant un concours d'architecture, est une très belle aventure. Les choses ne sont pas écrites à  l'avance, il y a une place importante donnée à la créativité."

Yves Contassot, conseiller Vert à l'environnement à la Mairie de Paris: "C'est un choix par défaut et le projet doit être fortement modifié. Il y faut des amendements indispensables: séparation des flux entre les sorties des gares, les commerces et les usagers du jardin."

Eric Azière, conseiller UDF de Paris et  d'Ile-de-France a estimé qu'en retenant Mangin plutôt que "le projet très novateur" du néerlandais Rem Koolhaas, Bertrand Delanoë "cède aux pressions politiques conservatrices de ses  alliés Verts et à celles du lobby commerçant du Forum".

 

Un réaménagement impératif

- Un escalator menant au 3e sous-sol du Forum des Halles, inadapté aux heures de pointe - AFP/Jacques Demarthon -



Trente ans après leur mue, les Halles sont victimes d'erreurs urbanistiques, de dysfonctionnements et d'un vieillissement  précoce, qui rendent impérative une intervention sur ce site.

Parmi les problèmes appelant une solution rapide :

- Les pavillons imaginés par l'architecte Jean Willerval ("parapluies"), outre leur dessin contesté dès l'origine et très daté, sont attaqués par la corrosion. Leurs recoins sont inadaptés à un des sites les plus passants de Paris (sécurité, déchets, urine...). Leur entretien est difficile et coûteux. Leurs terrasses présentent des problèmes d'étanchéité. Ils abritent des équipements pour lesquels ils n'étaient pas faits (conservatoire dans ce qui devait être une serre...)

- Les accès aux transports collectifs sont insuffisants. L'essentiel des passages se fait par un escalier roulant unique, très "anxiogène", pris d'assaut aux heures de pointe.

- La salle des échanges de la gare RER est malcommode: il est difficile de s'y orienter, avec des correspondances (3 RER, 5 métros) complexes. Les conditions d'évacuation doivent être mises aux normes, comme le désenfumage. L'accessibilité aux personnes handicapées, âgées ou avec enfants est à revoir.

- Morcelé, le jardin offre des cheminements compliqués, barrés par le "cratère" du premier forum. Il n'offre que 44% de surface végétalisée praticable. L'état phytosanitaire de certains arbres est médiocre. Des problèmes d'étanchéité se posent entre dalle et sous-sol.

- Le nouveau Forum est totalement détaché de la vie du quartier.

- Les accès et sorties des voies souterraines - par ailleurs sous-utilisées - sont autant d'obstacles pour les piétons et vélos. (AFP)

 

Quatre projets étaient en lice

- Les quatre projets en lice: dans le sens des aiguilles d'une montre Maas, Mangin, Koolhaas et Nouvel - (cliquez sur l'image)AFP -

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Quatre projets étaient en lice pour le réaménagement des Halles de Paris: ceux des équipes françaises de Mangin, qui a été désigné mercredi, et de Nouvel, et ceux des équipes néerlandaises de Koolhaas et Maas.

Les quatre équipes avaient été choisies en avril 2004 parmi 32 ayant répondu à un appel d'offres européen ("marché de définitions", procédure flexible et peu contraignante qui permet à la Mairie de retravailler le projet avec l'équipe choisie).

- DAVID MANGIN (Agence SEURA, Société d'Etudes Urbanisme et Architecture) Son projet: "un toit dans un jardin".

Mangin combine un toit de deux hectares (grand comme la Place des Vosges) de 9 mètres de haut et 145 mètres de côté et un jardin de 4 hectares fait d'"atolls" et divisé par des "ramblas", large avenue reliant ce nouveau "carreau des Halles" et la Bourse du Commerce. Celle-ci a vocation à  accueillir l'Université de tous les savoirs, une cité du design et un restaurant panoramique.

Le toit géant est fait de caissons couverts de cuivre patiné, vitrés ou ajourés. Il crée un "passage couvert" du XXIème siècle, à la fois  hall de gare, promenade et galerie commerciale. "Respect d'éléments existants, distinction forte entre l'espace public du jardin et des pôles d'activités" selon la SEM-Centre.

- REM KOOLHAAS (Agence OMA, Office for Metropolitan Architecture). Son projet: un champ de flacons colorés.

Prix  Pritzker 2000, Koolhaas est le chantre d'une "urbanité verte". Son but: relier le "monde souterrain" et le jardin.

Pour ce faire, il a imaginé un champ de derricks en verre colorés, pour faire des Halles un "lieu spectaculaire". Son "canyon" à ciel ouvert donne sur la salle des échanges RATP. Il sème le site d'"émergences", "derricks" colorés et translucides, éclairés la nuit et dont le nombre peut  varier de 6 à 21 selon la densité voulue. Hauteur maximum: 37 mètres. Le plus  grand doit abriter une cité de la mode et du design, les autres des bureaux, magasins ou institutions. Ils plongent leurs racines à des niveaux inférieurs du  forum.

Le jardin s'organise en cercles accueillant des publics ciblés (enfants,  ados...). Architecture "contemporaine, ludique et colorée, correspondant au  public jeune et métissé du site", selon la SEM-Centre.

- JEAN NOUVEL (AJN, Agence Jean Nouvel). Son projet: une prairie suspendue.

Le père de l'Institut du Monde Arabe propose d'accroître la surface des jardins par des terrasses, notamment une prairie suspendue, surmontant un nouveau Carreau plafonnant à à 27 mètres de haut, tutoyant Saint-Eustache et accueillant une piscine à ciel ouvert.

Son  "jardin onirique au dessus des toits de Paris" accueille de nouveaux alignements d'arbres et est bordé par des constructions nouvelles. Le carreau se veut place couverte, au plafond de miroirs programmables. Un bâtiment de bois abrite le Conservatoire.

- WINY MAAS (agence MRDV) - Son projet: un vitrail horizontal

Maas veut faire entrer la lumière dans les espaces souterrains rénovés, "les ouvrir au maximum" en remplaçant le sol par des plaques transparentes ou translucides d'où on pourra "regarder le monde en bas".

Les dalles colorées, qui occuperaient 40% de la surface, alterneraient avec des jardins, comme un "dance floor". Ce projet est considéré généralement comme irréalisable, et n'a que très peu de chances d'être retenu.

 

 

 

 

 

Voir au-delà des quatre projets

- Vue des serres tropicales situées au-dessus du Forum des Halles, côté Bourse du Travail - AFP/Jacques Demarthon -



Toute l'attention s'est portée depuis plus de six mois sur les quatre projets architecturaux sélectionnés pour le réaménagement des Halles. Mais quid de la véritable concertation, de l'urbanisme, et d'une vision architecturale plus vaste pour la ville ?

Une concertation en trompe l'oeil

Tout en reconnaissant les louables efforts de communication réalisés par la municipalité sur le dossier du réaménagement des Halles, de nombreux habitants et urbanistes se sont elevés contre le déficit démocratique qui caractérise selon eux l'opération en cours.

L'association Accomplir a souligné comment l'intervention sur Les Halles, présentée au départ comme un toilettage technique limité aux problèmes de vétusté et sécurité, s'est progressivement transformée en vaste opération de réaménagement urbain.

Selon l'association, ce glissement s'est effectué sans organiser de manière ouverte toutes les études en amont que requiert un tel projet urbain et surtout sans objectifs stratégiques bien définis. Résultat, le choix municipal à très court terme entre des projets architecturaux ne satisfait personne, selon eux.

Projet architectural ou urbain ?

"Il y a eu manifestement erreur de casting: à ce stade du projet, c'est plus d'urbanistes que d'architectes dont on a besoin", analysait Albert Levy, architecte et chercheur au CNRS, dans une tribune publiée dans "Le Monde" du 13 novembre.

Déplorant le manque de diagnostic sérieux "support à toute action", dans ce projet de transformation du coeur de la capitale, Albert Levy s'étonnait de ce que "les élus parisiens n'aient aucune idée sur le devenir de ce quartier, aucune lecture de cet espace chargé de symboles (...), aucune vision de sa destinée et de sa forme".

Pour lui, "ces lieux mutilés attendaient une réparation plus fine, une intervention plus subtile" et "non des réponses ficelées relevant du grand geste architectural" produites par "quatre architectes issus du star system qui doivent sortir des solutions de leur chapeau".

Eviter la ville musée

François Barré, qui fut notamment directeur de l'architecture et du patrimoine (1996-2000) au ministère de la Culture, appellait de ses voeux un projet ambitieux, "extraordinaire", à l'instar des tours de Londres. Dans un entretien à Libération du 13 décembre, il regrettait la "frilosité parisienne" et souhaitait que les maires osent être "inventifs et aventureux".

"Si elle se reproduit sur elle-même, la ville risque de devenir une sorte de musée vernaculaire pour les populations touristiques (...)", prévenait-il. "On le constate à Prague, envahie par un tourisme qui confine la ville européenne à un conservatoire". Selon lui, "il faut organiser le vivre ensemble (...), participer à une histoire des formes et des figures qui nous est contemporaine". 

 

Débat critique: trois points de vue



Trois interventions ont particulièrement marqué le débat public de l'atelier sur le réaménagement des Halles du forum social local qui s'est tenu le 12 novembre dernier à la mairie du 2e arrondissement.

Les propos critiques de la représentante d'une association de quartier, la réponse que lui a faite un responsable du projet et la synthèse qu'a tenté d'en tirer une urbaniste présente, illustrent bien les points de tension qui prévalent autour de ce vaste projet.

La représentante d’une association de quartier (Accomplir) a expliqué : «  Cette histoire de concertation a commencé en 2002 joyeusement. Elle se termine un peu tristement. Au départ, il s’agissait d’un simple toilettage, une rénovation, au bout de 6-8 mois, c’est devenu un réaménagement. On a fait un diagnostic de ce qui n’allait pas dès 2002.  Puis le programme est sorti. A notre satisfaction, 40 de nos propositions ont été reprises dans le programme. Puis les architectes ont fait des projets avec des aspects sidérants : surélévation du jardin, bétonnage…En avril on a eu une attaque : la maquette recouvrait le jardin. Il n’y avait aucun rapport entre le programme et les propositions. On a retravaillé sur les projets par rapport aux critères d’origine. On a donné des points. Celui de Mangin obtenait 41 sur 51, les autres étaient bien en de ça…La Sem nous a sommé de ne pas communiquer au motif que nous ne représentions que nous même. On a formé un collectif avec les commerçants et réuni 33 associations dont 14 parisiennes et envoyé une pétition à Caffet (l’adjoint au maire chargé de l’aménagement). Le 2 novembre 2004, le comité de pilotage qui réunit une cinquantaine de personnes a pris position pour le projet Koohlaas en transformant des objectifs du programme ».

Réponse du président de la Sem, «Le débat a commencé lorsque les maquettes étaient réalisées. On n’y était pas obligé. On les a faites pour faire venir les gens. Mais, comme l’a précisé le maire de Paris , ces maquettes ne sont pas des représentations de ce qui va être réalisé. Ce sont des concepts. Or, on doit faire un choix sinon on va nous dire qu’on a fait tout cela pour rien. La procédure a permis de déblayer le terrain. Tous ceux qui, aujourd’hui, voudraient recommencer pour s’intégrer au projet, doivent se rendre compte qu’il a été décidé par les politiques après un constat qui n’a été fait que par eux. Aucun architecte, urbaniste, chercheur, professeur n’avait émis la moindre idée, remarque, avant que nous ne donnions un avis. Je regretterai longtemps le silence assourdissant qui a régné quand, en 2000, la Ville a fait voter la vente des lieux et accepté la reconstruction totale du bati actuel sans aucune concertation. Où étaient tous ceux qui aujourd’hui donnent des leçons ? Quand nous nous sommes exprimés avec le maire nous étions assez seuls. Si nous n’étions pas intervenus avec force, le Forum des Halles serait privé, voierie et parkings inclus (...). Le jardin serait à la même enseigne (...). Je suis donc prêt à avancer mais les procès en sorcellerie, c’est fini ! »  .

Au maire du 2ème demandant aux nombreux contradicteurs ce qu’ils proposaient, une intervenante de l’Institut d’Urbanisme de Paris, a répondu : «Les différents maîtres d’ouvrage potentiels de cette opération se sont peu impliqués jusqu’à présent, notamment lors des réunions de groupe de pilotage. Ils ne l’ont fait qu’à partir du moment où des maquettes ont été produites, c’est-à-dire bien tard…. Le programme montre en effet la faiblesse du diagnostic sur le plan stratégique. Ce diagnostic semble avoir été essentiellement technique et être dénué d’objectifs clairs et précis pour des équipes de maîtrise d’œuvre. Or l’expérience nous a maintes fois montré que sans intentions précises formulées par les décideurs, autrement dit de futurs critères d’arbitrages face aux propositions des uns et des autres, il ne peut y avoir de réelle démarche de concertation ou de participation. La preuve en a été cette succession de « débats ou d’ateliers publics », organisés depuis deux ans donnant l’impression que ce qui avait été dit les fois précédentes n’avait pas servi à grand chose. Pour continuer, la ville doit davantage impliquer ses partenaires pour qu’ils dévoilent  les objectifs qu’ils poursuivent et leurs conditions d’implication dans ce projet. Elle doit aussi se fixer un niveau d’ambition réaliste, et définir une méthode de travail avec la société civile (habitants, associations, membres des conseils de quartier).(...) Plutôt que de choisir un projet aujourd’hui, elle aurait tout intérêt à se servir des résultats des marchés de définition comme des études préalables (...) pour en extraire avec ses partenaires des problèmes et des objectifs prioritaires. »

 

Les Halles, une histoire mouvementée

- Un pavillon des Halles, en 1962 - AFP/Roger Viollet -



Devenues le symbole malheureux de l'urbanisme des années 70 et de ses ratages, les Halles ont une histoire chargée.

L'histoire mouvementée de ce vaste ensemble de 33 hectares commence en 1135, lorsque Louis VI décide de déplacer le marché central de la place de Grève (l'actuelle place de l'Hôtel de Ville) dans le quartier actuel des Halles.

Au fil des ans, le marché est encadré de constructions et sillonné de rues: Montorgueil, Quicampoix, du Jour, de l'Arbes sec. Dès le 18e siècle, les Halles commencent à s'engorger. En 1789, le cimetière des Innocents (l'actuelle Place des Innocents) est à son tour aménagé en marché aux fleurs, fruits et légumes.

Des problèmes d'hygiène et de circulation conduisent au lancement d'un concours d'architectes en 1848 pour "le Ventre de Paris" immortalisé par Emile Zola. Il est remporté par Victor Baltard: dix pavillons aux parois de verre et aux colonnettes en fonte, dont les derniers sont achevés en 1936.

Avec la croissance des besoins, le transfert est décidé. Le 27 février 1969, après huit siècles d'existence, les marchés de gros des Halles de Paris déménagent à Rungis pour les fruits et légumes et à La Villette pour la viande (qui rejoindra Rungis plus tard).

Les Parisiens assistent avec tristesse à la disparition de ce quartier pittoresque, et à son animation perpétuelle, diurne et nocturne. Ils sont d'autant plus traumatisés que la destruction des pavillons Baltard laisse la place à ce désolant "Trou des Halles", gigantesque et durable no man's land boueux.

En 1974, le nouveau président Valery Giscard d'Estaing, abandonne l'idée d'un projet de centre de commerce international au profit d'un "grand jardin à la française". La RATP construit une immense gare souterrainne, où convergent RER et métros.

En 1978, Jacques Chirac, élu maire de Paris, s'auto-proclame "architecte en chef" et met sur la touche un projet de l'architecte espagnol Ricardo Bofill. La dernière tranche des travaux du forum, construit sur 4 niveaux souterrains, s'achève en 1985. Les jardins, aux pieds de l'église St Eustache, sont ouverts au public un an plus tard.

Mais les Halles ont mal vieilli, esthétiquement et fonctionnellement.

En juin 2003, le maire de Paris Bertrand Delanoë lance leur rénovation. Il choisit une procédure de "marché de définition", système souple qui laisse toutes les options ouvertes.

En avril 2004, quatre équipes d'architectes concurrentes (Mangin, Nouvel, Maas et Koolhas) sélectionnées sur une trentaine, présentent des plans et des maquettes. Il leur ensuite est demandé de revoir un peu leur copie.

Prévue d'abord en juin, puis repoussée à l'automne, la décision du maire sur un des quatre projets est annoncée mercredi 15 décembre: David Mangin sera le chef d'orchestre du réaménagement de ce site chargé d'histoire.

 

Le premier centre commercial de France

- Vue du Forum des Halles - F2 -



Tiré par la gigantesque Fnac Forum, son magasin "star", doté de 160 boutiques sur cinq niveaux, de 26 salles de cinéma et d'une vingtaine de restaurants, le Forum des Halles est aujourd'hui le premier centre commercial de centre-ville en France.

Il génère au total 3.000 emplois et représente pour les commerçants 475 millions d'euros de chiffre d'affaires, dont plus d'un tiers pour la Fnac.

Pour plusieurs des enseignes présentes, le Forum constitue leur  vaisseau-amiral: la Fnac Forum est la plus grande au monde, le magasin H&M est le premier en France et l'UGC Ciné-Cité est le premier multiplexe d'Europe.

La majorité des boutiques (44%) est dédiée aux loisirs et cadeaux, juste devant le secteur de l'habillement (prêt-à-porter, chaussures, accessoires...) qui représente 35% des enseignes.

Le Forum accueille 41 millions de visiteurs par an,  principalement des jeunes (âge moyen: 29 ans), qui viennent pour un tiers de Paris même et pour deux tiers de banlieue.

Espace Expansion, filiale d'Unibail, numéro un français de l'immobilier commercial, a acquis le Forum des Halles en 1994 et a investi 40 millions d'euros ces 10 dernières années pour rénover ses espaces commerciaux. Unibail annoncé son choix sur les projets de réaménagement du site et prévenu la municipalité: ce sera Mangin "ou la guerre".