20 minutes (15/12/04)
Grand Paris
Urbanisme Le nom de l'architecte retenu par la commission d'appel d'offres
de Paris pour être chargé du réaménagement
Clôture du marché des Halles
Mercredi 15 décembre 2004
Fin du suspense. Bertrand Delanoë annoncera ce midi le choix du projet
retenu par la commission d'appel d'offres (CAO) pour l'aménagement
des
Halles. Composée de six membres - trois socialistes, (dont la présidente
Mireille Flam, qui a voix prépondérante en cas d'égalité),
deux UMP et un
Vert -, cette commission devrait prendre en compte les 12 600 bulletins
récoltés lors de la consultation qui a eu lieu cet été.
Impossible toutefois
de savoir quel projet parmi les quatre en course se détache au goût
des
Parisiens, le questionnaire invitant à « donner son avis » sur
chacun, mais
pas à voter.
Ce qui n'a pas empêché certaines associations de se servir des
résultats
pour soutenir leurs projets favoris.
Si le choix du projet de David Mangin semble le plus probable, Rem Koolhaas
est challenger et l'annonce faite ce midi pourrait comporter quelques
surprises. Jean Nouvel est à la traîne et Winy Maas semble,
lui, hors
course. Chacun des projets comporte une phase réalisable avant 2007.
Par
ailleurs, il n'est pas exclu que la commission choisisse de faire un
compromis, en associant deux projets. La maîtrise d'oeuvre pourrait
aller à
« un ou deux candidats », avait déclaré Jean-Pierre
Caffet, adjoint au maire
chargé de l'Urbanisme, en octobre. Bertrand Delanoë annonçait
lui-même lundi
: « Ma décision n'est pas prise, je réfléchis,
je travaille beaucoup »,
ajoutant qu'il étudierait le dossier jusqu'à ce matin « pour
faire la bonne
proposition à la CAO ». Certains envisagent même qu'il
puisse reporter sa
décision, par exemple au lendemain de l'attribution des JO de 2012
par le
CIO, le 6 juillet 2005. Magali Gruet
Réussite économique, fiasco urbanistique
Le Forum des Halles va dégager un chiffre d'affaires de 500 millions
d'euros
à l'issue de cette année. Un montant faramineux, en hausse par
rapport à
2003 (475 millions d'euros), et qui ne laisse planer aucun doute quant à la
réussite économique de l'opération.
Avec 3 000 emplois générés par quelque 160 boutiques,
le Forum est devenu la
plaque tournante commerciale du quartier. Il accueille chaque année
41
millions de visiteurs et « son chiffre d'affaires ne cesse de croître »,
indique Espace Expansion, propriétaire du lieu.
Si la réussite financière des Halles est incontestée,
le bilan du Forum en
termes d'urbanisme est, lui, beaucoup plus mitigé. Les pavillons imaginés
par l'architecte Jean Willerval ont beaucoup vieilli et sont attaqués
par la
corrosion. Leur entretien est difficile et coûteux, les déchets
s'y
entassent et la sécurité laisse à désirer. Certains
abritent même des
équipements inadaptés. Le conservatoire a par exemple été installé dans
ce
qui devait être une serre. Dans le jardin, des problèmes d'étanchéité se
posent entre la dalle et les sous-sols.
Ces critiques sont toutefois atténuées par Alain Bourdin, directeur
de
l'Institut français d'urbanisme. « Le discours catastrophique
qui entoure
les Halles est tout à fait scandaleux, dénonce-t-il. Quelques
bêtises ont
été commises, comme certaines parties du jardin mal organisées,
voire
dangereuses, et les pavillons qui fonctionnent mal. Mais le point fort des
Halles c'est d'être la principale gare d'Ile-de-France. C'était
un choix, et
non une erreur. Le tout a beaucoup vieilli, la rénovation est bien
sûr
devenue indispensable. » M. G.
Rénovations Espace Expansion a investi 40 millions d'euros ces dix
dernières
années pour rénover les espaces commerciaux des Halles. Ils
ont été
redécorés en rouge et vert après les années 1980,
période où l'insécurité y
était particulièrement forte.
Les usagers en boule contre «le Flipper»
Game over. Surnommée « le Flipper », la salle d'échanges
de la RATP est à
revoir complètement. Porte Lescot, l'un des principaux accès
de la station,
l'escalator est « anxiogène », se plaignent ses détracteurs.
Comprenez «
facteur de stress », pour les 300 000 utilisateurs quotidiens.
Aux heures de pointe, sous un plafond bas, la file immobile des voyageurs
qui descendent croise invariablement celle qui monte en sens inverse. Telle
la boule du flipper, l'usager est ensuite propulsé contre les « champignons
», ces gros piliers plantés sur la plateforme d'accès aux
quais. Certains
néophytes tournent même autour. « Il est très difficile
de s'orienter, la
salle est couverte de tout petits panneaux », explique Françoise,
une
habituée des lieux. Selon l'association de riverains Accomplir, qui
soutient
le projet Mangin, « c'est fait exprès, pour que les flux de
voyageurs
n'empruntent pas tous le même itinéraire ». Raté,
puisqu'en réalité « tout
le monde cherche son chemin ». La plate-forme est pourtant le premier
noeud
ferroviaire d'Europe : 800 000 personnes y transitent chaque jour.
L'association Accomplir milite donc pour une gare « type Météor »,
comme la
station de métro Châtelet sur la ligne 14, « avec de larges
escaliers et des
vues dégagées ». Son champion, David Mangin, propose également
d'assurer
l'approvisionnement des commerces par voie ferrée. « Cela enlèverait
beaucoup de camions de livraison en surface », se prend à rêver
Elisabeth
Bourguinat, l'une des responsables d'Accomplir.
Guillaume Frouin
Rem Koolhaas l'audacieux
Le challenger. Les « émergences » de Rem Koolhaas sont
soutenues par les
défenseurs de l'architecture contemporaine. Coloré et translucide,
le projet
du Néerlandais vise à relier le monde souterrain au jardin.
Destiné à
améliorer le confort et la sécurité, un canyon à ciel
ouvert donnerait ainsi
sur la salle d'échanges RATP. « Une architecture ludique, correspondant
au
public jeune et métissé du site », commente la société d'économie
mixte
(SEM) Centre. Le jardin serait agencé en cercles aménagés
selon le type de
publics - enfants, adolescents, adultes. Rem Koolhaas évoque par exemple
un
« cercle des jardiniers », un « cercle d'aventure » et
une serre. Enfin, le
nombre d'« émergences » est modulable, de 6 à 21.
Un point que la commission
d'appel d'offres devra également trancher si le projet est retenu.
L'agence de Koolhass, OMA, s'était déjà fait remarquer
aux concours du parc
de la Villette (1982) et de la Très Grande Bibliothèque de
France (1989).
Elle construit en ce moment le siège de CNN à Pékin,
qui devra être terminé
pour les Jeux olympiques de 2008.
David Mangin le minimaliste
Il est donné favori. David Mangin a pour « ambition d'inscrire
le quartier
des Halles dans l'enchaînement des espaces publics parisiens, et non
dans
une compétition internationale des grandes villes ». Tant pis
pour les
partisans du « geste architectural fort ». Le Français,
qui est notamment à
l'origine du réaménagement du boulevard Richard-Lenoir (11e),
préfère « un
programme peu haut et de faible emprise au sol ». Il prévoit
ainsi un toit
de deux hectares (l'équivalent de la place des Vosges), haut de 9
mètres et
large de 145. Ce « passage couvert du xxie siècle » serait
composé de
caissons couverts de cuivre patiné, vitrés ou ajourés.
Le toit géant
servirait ainsi de « hall de gare, promenade et galerie commerciale ».
Une large avenue, un peu à la manière des Ramblas de Barcelone,
relierait
également ce nouveau « carreau des Halles » à la Bourse
du commerce. En ce
qui concerne la salle d'échanges de la RATP, David Mangin suggère « un
travail sur la signalétique » et « une amélioration
des conditions de
fonctionnement des trottoirs roulants ».
Jean Nouvel le vieux briscard
L'architecte préféré des Parisiens ne transformera sans
doute pas l'essai.
Jean Nouvel et son carreau de verre plafonnant à 27 mètres
de haut étaient
bien partis, mais l'engouement autour du projet est un peu retombé.
Créant
une véritable place couverte, le plafond du carreau serait recouvert
de «
miroirs programmables » pour créer des univers changeants.
Bâtiments transformés en préaux, pour permettre une transition
avec les rues
adjacentes, et nouveaux jardins en hauteur, le projet Nouvel mise sur la
diminution de la densité construite des Halles. Il évoque même
une véritable
« prairie suspendue ». La lumière naturelle est ici privilégiée
et la
température serait régulée sous le carreau grâce à sept
portes d'accès. Si
ce projet ne semble pas avoir séduit, Jean Nouvel n'en est pourtant
pas à
son coup d'essai à Paris. On lui doit notamment L'Institut du monde
arabe,
construit en 1981, la Fondation Cartier (1994) ou encore le musée
du Quai
Branly et le musée des Arts premiers, en construction dans le 7e
arrondissement.
Winy Maas l'original de service
Il devrait rester au pied du podium. Le projet de Winy Maas, l'autre
Néerlandais engagé dans la compétition, apparaît
irréalisable aux yeux de
certains. L'architecte prévoit de créer un « gigantesque
podium », sorte de
dancefloor de verre translucide, à la fois « plancher d'un grand
jardin et
plafond d'une cathédrale descendant jusqu'aux quais du RER ».
Mieux, la
structure « est illuminée du dessous et devient ainsi une lanterne
pour la
nuit ». « Ce vitrail est une destination en soi, de caractère
international
», plaide Winy Maas, dont l'équipe a réalisé le pavillon
des Pays-Bas pour
l'Exposition universelle de Hanovre (Allemagne), en 2000.
L'architecte espère ainsi « mettre le site des Halles en relation
avec les
boulevards flâneurs » qui le relient au centre de Paris. Mais
le risque
d'accumulation de saletés et l'étanchéité du
podium inquiètent les
habitants. « La grande surface vitrée engendre un sentiment
d'artificialité
froide du sol urbain, jusqu'à créer un certain malaise »,
conclut- t-on à la
SEM Centre, après l'exposition des maquettes.